jeudi, janvier 03, 2008

Conte pour hiver mordant




Photo de l'auteur.






(Je dédie ce texte à K-Cio'P, une jeune slameuse rencontrée au cours d'un Festival de théâtre qui, par une présence sans artifice et radieuse et par des messages porteurs de révolte, de blessures, d'espoir et de FRATERNITE a su ouvrir les coeurs de chacun sur une Humanité qui marche à côté de son potentiel bonheur et sabote consciemment l'avenir de ses enfants. Je t'adresse, K-Cio'P, tous mes encouragements et toute mon amitié.)


 


Me trainant,
mal réveillé
pas rasé,
puant la misère
d'être seul
et rassis,

teigneux,

ronchonnant,
remâchant
les gueules
de leur monde
jusqu'à cracher,
vert et glauque
sur leurs pavés
gluants,
suintants,
hargneux
à vous mordre
aux chevilles,

grommelant mou,
la morve
agressive
en guise
de carapace,

j'ai poussé
sec et rude
la porte du trou
pour boire
le coup,
mon coup,
de leur Calva
rêche

et, aussi,
un peu,
beaucoup,

pour la cuisure
du poêle,

mettre ma couenne
sêche et froide
et triste
à rissoler,
le temps
d'un tour d'aiguille,

que ce qui me sert
de sang,
pâteux,
grumeleux,
se déprenne,
se défige
et s'en aille
et s'en glisse
jusqu'au bout
de mes arpions
de marbre
voir un peu

si j'y suis.

J'ai,
donc,
poussé
sec et rude
la porte

et me suis enfoncé,
à force de
traction
de boeuf
à la peine,
au coeur
de quelque chose
d'épais,
de dense,
de bourbeux,
de mélasseux,
de salement
impénétrable

- mais bon dieu
qu'on m'empêche-

quelque chose
sourdant
d'une lourde
alchimixture
de regards gras,
putrides,
d'haleines
nauséeuses,
de borborygmes
collants,

d'une gluance
de toile
d'araignée,
de repoussant,
de répugnant.


Mais j'ai froid,
mais j'ai l'âme
tordue,
recroquevillée,

et je colle
mon cul
à la fonte
rouge

et j'égratigne
mes amygdales
aux barbelés
de leur alcool.


Ca les mord
à l'anus,
ça leur gâche
leur enfer,
qu'un pov' type
dans mon genre
se mette
à tiédir,
à se recolorer
un peu,
le sac à tripes,
dans son coin,

tranquille,
vide,
et content
de l'être?


« Oui, bon dieu,
ça nous gâche,
oui,
faut qu'y s'en prenne
comme tous nous autres,
oui,
faut qu'y s'tartine aussi
à la glaise
noire,
aux glaires
rosâtres
de la grande
sputumation
universelle,

y faut qu'y colle,
lui aussi,
qu'y dégueuline,
comme nous,
en gouttes
d'huîtres

à la face
du monde! »

Et j'ai eu droit à tout,
tordu,
rabougriné
dans mon coin
chaud,
trop perméable encore
aux asssauts
de leur
cor de chiasse,

- faudra t-il que je
me crève les tympans?-

On m'a tout
vomi
sur l'hallali
empastissé
de la chasse
aux perdreaux,

tout vomi
sur le cul
rutilant,
flambant-neuf,
d'une gamine de par là
ou d'ailleurs,

sur les fulgurantes
chaussettes à crampons
d'un mercenaire
du ballon rond,

tout vomi
sur ces couilles
ennemies,
inquiétantes,

des noires, des jaunes, des grises,
comme ils disent,

et qu'il faudrait
couper

et vite
et de toute urgence
si on veut pas que...
si on veut pas qu'eux...


Je prends pas
le temps
de me tout
cuire,
de me tout
décrasser,
de me tout
rallumer.

Déjà,
je recreuse
le sillon
à l'envers,

tranchant,
cinglant,
impitoyable,
sabrant
leur gras,
piétinant
lourd et amer
la masse
désoeuvrée
de cet abandon
humain.


Dehors
vite

dehors
enfin!


Assailli,
gifflé,
griffé,
déchiré,

dépecé
par la morsure
acide
du froid,

mais dehors,
loin d'eux,
loin de ça,

loin de ça.
Et
LIBRE!






Photo de l'auteur.





Écrit à Forcalquier en 2004
Texte déposé à SACD/SCALA.