jeudi, mars 26, 2020

"Eclats d'Images et de Mots" Spectacle du 11 mars 2020 au Carré 30

Photos Concept Illustrations Denis MARULAZ alias Hombre de Nada 2019


Le 11 mars 2020, sur la scène du Théâtre Le Carré 30, à Lyon, je présente, en compagnie de ma complice en Lecture Chantal PRIMET, un spectacle en deux "dimensions", mon nouveau texte "Par pitié, la main de la caresse, plus la main du feu" et un diaporama de 350 images environ que j'ai réalisé à partir de mes photos. Une heure de spectacle. Voici donc ce texte et une sélection de quelques images. En bas de page, le lien qui ouvre la Vidéo réalisée par l'ami Remy DUMONT. Un grand Merci à lui, à Chantal et à son compagnon Guy et à l'équipe du Carré 30 !!!


Photos Concept Illustrations Denis MARULAZ alias Hombre de Nada 2019
Photos Concept Illustrations Denis MARULAZ alias Hombre de Nada 2019

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Photos Concept Illustrations Denis MARULAZ alias Hombre de Nada 2019



Denis MARULAZ alias Hombre de Nada


« Par pitié, la main de la caresse, plus la main du feu »

Torride, suffocante, vibre la première minute du jour.

Suffocante, torride, la première gorgée d’air matinal.

Torride, suffocant, le premier rayon du grill solaire.

Suffocant, torride, le souffle grinçant de la rumeur sèche de la Cité.

Il n’y eut pas de repos ni de creux dans la nuit.

Il n’y eut pas de nuit pour le repos des corps rompus de fatigue. Juste la lumière bleue des leds et des néons remplace-t-elle les feux de l’astre occulté.

Jamais les turbines ne cessent leur ramdam de cœur battant du Monde.

Jamais les hélices ne suspendent leur inlassable tournoiement vertigineux.

Jamais les souffleries ne ralentissent, ne serait-ce qu’un instant, la nerveuse vibration de leurs retors.

Et voici venue la minute primordiale du nouveau jour. La minute où tout va basculer à nouveau dans la fournaise impitoyable des mâchoires célestes. Et ça va mordre vivement aux épidermes à vif. Et toute parcelle de peau non protégée d’une épaisse carapace isolante se mettra à grésiller au feu diurne. Et malgré toutes protections aux incendiaires assauts, des cloques et œdèmes bourgeonneront sur des membres déjà trop entamés, sur des visages déjà trop burinés, sur des ventres déjà trop craquelés, dans des organes à la limite de l’ébouillantement.

Mais il n’est pas de temps et de place pour la crainte. La Grande Machinerie appelle. La Grande Machinerie hurle. La Grande Machinerie tintinnabule à la mobilisation générale.

Et voilà que les troupeaux de bipèdes hallucinés, de bipèdes hypnotisés, de bipèdes harassés, de bipèdes robotisés, de bipèdes synchronisés, s’écoulent des immeubles dortoirs et rejoignent, qui par wagonnets ferrailleux, qui par navettes aériennes, les hangars de Production des « Bonheurs Matériels Indispensables à une Société Humaine par la Réalisation Consumériste ».

Hormis quelques poignées d’invalides rongés par quelque gangrène incapacitante, la foultitude bipédique rejoint chacun son Poste et la Cité continue de vibrer sur ses bases à la trépidante activation des machineries.

Et ça grinçaille, et ça turbule, et ça vrombit, et ça trépigne, et ça percute, et ça tambourine, et ça cliquemate, et ça ronfle, et ça…et ça… et ça…

Et des vapeurs bouillantes sont éjectées en sifflements stridents, et des gerbes d’étincelles grésillent dans des attaques mordantes ou vous visent aux yeux, et des bielles infatigables et bourdonnantes activent sans répits de gigantesques rouages propres à régenter le mouvement d’une galaxie. Et… et… et…

Et soudain, sans qu’aucun relâchement n’ait été détecté dans le rythme des bipèdes du troupeau, la sirène hurle le signal du temps venu de la relève. Et les « Nocturnes » s’attellent sur les Postes et les « Diurnes » reprennent, dans leurs wagonnets ou leurs navettes, le chemin balisé de Cités dortoirs. Pendant que perdure et s’accentue le fracas des machines, que s’épaississent les nuages des fumées vomies des cheminées des usines, pendant que s’acheminent, sur les voies routières ferrées ou navigables, des milliers de containers d’acier blindé chargés de la monstrueuse masse de « Bonheurs Matériels Indispensables à une Société Humaine par la Réalisation Consumériste ».


« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 207 Factor is Broken Post 207 Factor is Broken. Be Careful Be Productive ! »


L’Humanité bipédique est d’essence cavernicole. Par évident besoin de se protéger des dangers qui surgissent dehors, à chaque coin de buisson ou dans le gras des forêts sombres, ou pour se tenir au chaud du groupe, au crépitement des braises incandescentes. Bien sûr. Mais aussi, parce que nu de peau, la chair à vif à l’écorchure des regards et des assauts, le bipède est en quête permanente d’une carapace. Pour l’intégrité de son corps mais, surtout, pour faire « nid clos » aux mystérieuses dimensions qui écartèlent, dans son crâne, des fluorescences  d’envies, d’impatiences, de colères. Sans le savoir, aussi, par ce besoin du regroupement protecteur, de la synergie de l’adossement des corps, le besoin inné de mener action commune, de déployer une énergie concertée de « Meute ». De se reconnaitre, de s’agglomérer dans les désirs, dans la volonté, dans les exigences du « Chef de Meute ». Car la capacité de résistance de la carapace protectrice de la Meute réside essentiellement dans l’adhésion de chaque individu au « Pouvoir attractif » du « Chef de Meute ».

Et les siècles passant, les cavités naturelles de la planète se trouvent investies comme autant de bulles de forces collectives, devenant presque, en soi, des « Êtres Vivants » dont chaque bipède est une cellule de base. Chaque cellule ayant sa fonction propre.

Les germinations et fluorescences crâniennes ont conduit certains de nos bipèdes cavernicoles à ressentir le besoin de « montrer » la Caverne, la Geste collective de la Caverne. Et s’inventent et s’étalent et s’imposent sur les parois rocheuses des « trous d’Hommes » des représentations des impressionnantes bêtes qu’on traque pour les manger, des exploits de ceux qui les ont terrassées. Puis le temps des scènes de « vie du groupe », des silhouettes respectées des « Chefs du Clan » et de leurs « Elites », des agapes, des orgies, des harangues guerrières, des confrontations. Qui s’y penche peut décrypter la présence désormais formelle de « Strates Sociales », ce qui est en haut, ce qui grouille en bas, ce que l’on peut deviner au fond sombre de la « Bulle ». Plus tard encore, alors que les cavernes ont fait place à des constructions de pierres savamment taillées, voici qu’apparaissent des figures mythologiques, des représentations d’ « Êtres Supérieurs à Portée Universelle », que s’impose comme évidente l’idée que le Monde et ses grouillitudes bipédiques sont l’Œuvre et les « jouets » d’ « Entités Toutes-Puissantes » extraordinaires qui détiennent en leurs mains sacrées le sort de chacune de leurs « Créatures » rampantes. Les Elites, descendantes directes des « Chefs de Meute » ancestraux, étant, bien entendu, sanctifiées de quelque « Oxygénation » du « Souffle Divin », voire irriguées d’un « Sang Pur et Noble ».


La « Caverne », désormais, n’est plus un trou protecteur dans la falaise, c’est la structure-même de la Société Humaine avec ses hiérarchies sociales dans un « Ordre Pyramidal et Divin du Monde » incontestable. Chacun est à la place que les « Hautes Sphères » ont choisi pour lui de toute éternité. Personne ne doit essayer d’échapper à son destin. Sauf à se voir jeter aux « Feux Infernaux ».

Il y a ceux d’en haut, tout en haut de la pyramide, ceux qui dirigent, de par la « Volonté des Sphères », les multitudes actives qui rampent sur la glaise, s’occupent des bêtes, des semailles et des récoltes, qui forgent les socs et les armes. Et puis les femmes, les « femelles », celles-là, reléguées dans les fonds suintants de la caverne, ces « trous à pattes » indignes de l’usage de la parole, ces « viandes inférieures » si dangereuses par la douceur et la moellosité de leur peau impudique, qu’il faut recouvrir toute leur vie durant d’épaisses loques de bêtes mortes et qu’on bouscule sur les tas de paille et qui pondent, dès qu’elles le peuvent, des hordes de petits bipèdes braillards soumis très vite à toutes les taches et toutes les corvées, selon les « compétences » de son sexe. Entre les Elites Omniscientes Eclairées d’en haut et le troupeau des rampants de base, les « Saints Officiants » traduisent dans le langage bipédique les incontournables et « Sacrées » Volontés tombées des « Sphères Célestes ». Et de leurs bouches « Inspirées » s’écoulent aux oreilles des Ediles les mots d’acquiescement et de bénédiction à leurs volontés belliqueuses d’envahissement et de saccage des villages et récoltes des tribus ennemies. Et aux oreilles des besogneux rugissent les mots d’ordre, d’encouragements, de menaces, de malédictions, et les anathèmes.

« La Sphère veut !
Les Sphères exigent ! 
La Sphère commande !
Les Sphères sont là qui vous regardent !
Qui vous jugent !
Qui vous sondent ! »

Et c’est ainsi qu’on part, males adultes et enfants, s’emparer des troupeaux d’autrui, qu’on s’élance égorger là-bas, les vieux et enfants males, s’emparer des femelles et des gamines pour les jeux de la nuit venue.

Puisqu’il en est ainsi de la Volonté des « Sphères », pardi !
Puisqu’il en est ainsi de la Volonté des « Sphères », évidemment !
Puisqu’il en est ainsi de la Volonté des « Sphères », sans conteste !
Puisqu’il en est ainsi de la Volonté des « Sphères », Ainsi soit-il !!! »

Oh, bien sûr, l’on sait aussi vivre de paix et de partage, d’entraide et de moments de fraternité. Bien sûr. Et de moissons communes et de cuisinaisons généreuses. Bien sûr, des enfants naissent parfois de ces échanges, de ces rencontres pacifiées. Bien sûr ! Et les « Saints Officiants » bénissent cela aussi, si les Ediles y trouvent leur avantage, selon la Volonté des « Sphères ». Et l’on vit ces Temps comme autant de vagues de rosées printanières. Peut-être même pourrait-on s’installer durablement dans le paisible courant de ces eaux calmes. On en rêve. Même, on se met à prier pour cela. Si  telle pouvait être la Volonté des « Sphères »…

Mais l’on doit apprendre, les siècles succédant aux siècles, à respirer un autre « oxygène », à s’irriguer d’un autre « sang ». L’on n’offre plus aux voisins du bas de la vallée les surplus d’une trop abondante récolte, l’on ne prête plus la force de ses bœufs aux voisins de la colline pour tirer quelque charge ou retourner un arpent de terre, l’on n’aide plus ceux de là-bas dont les abris se sont effondrés après que le sol a rudement tremblé… L’on monnaie son aide, on loue la force de ses bêtes, on vend son surplus de fruits et de moisson. C’est que, révélée dans quelques communautés installées en front d’un lointain Océan, l’idée s’impose, par vagues, qu’un « Elément », reconnu et acceptable de tous, peut permettre d’accéder à un surplus de récolte ou à une prestation de tache ardue sans avoir à rendre récolte pour récolte ou prestation pour prestation. Cela commence par une « équivalence » en coquillages nacrés, cela se perpétue par une « équivalence » en pièces de métal précieux gravées à l’effigie d’un Héros ou d’un Chef de Clan respecté de tous. La « Monnaie » est née. L’Irrigation Sanguine Sociétale, l’oxygène de la « Respiration Economique Universelle ». On ne prête plus, on n’échange plus, on ne partage plus, on vend ! Et tout a un « Prix », et tout est à vendre ! Tout !

On ne se contente plus de quelques arpents cultivés pour les besoins du groupe en fruits, en légumes, en volailles. On se préoccupe de produire plus et plus pour les gens des Cités qui s’élèvent désormais sur les bords des fleuves et au fond des vallées. Et les marchands s’immiscent entre ceux qui cultivent et ceux qui achètent sur les Marchés. Et les convois roulant ou naviguant entament un inlassable ballet de nourritures ou de matériels. Et des Fortunes de coquillages puis de pièces de métal précieux s’accumulent dans des coffres et des caches discrètes. Les Cités s’étoffent, les Nobles et Seigneurs, bénis des « Sphères d’en Haut », on s’en souvient, font main basse sur des immensités territoriales, de plaines et de montagnes, lèvent des armées pour tenir en respect gens et bêtes. Et des Corporations s’organisent, et les « Classes Sociales » hiérarchisées se stratifient davantage, et « l’ Activité Commerciale » étendant son empire, on confisque aux « fourmis de base » leur « Temps de Vie », leur « Force de Travail », pour une bouchée de pain, pour une assiettée de soupe. Chacun, chacune, des « Classes laborieuses » se voit régir par « l’Universelle Machinerie » chaque instant de ses jours, le rythme de sa respiration, son temps pour les mots, ses créneaux de silence.

Toute parcelle de terre s’étant vue octroyée à un « Propriétaire » contre somme d’argent ou par « Privilège des Sphères », les petites fourmis des classes laborieuses ne peuvent plus choisir de retrouver dans quelque coin de Nature un « Havre » nourricier. Entre le petit bipède et sa bouchée de soupe réconfortante, coule désormais le flux intermédiaire et obligatoire du « Sang Monétaire ».

« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 419 Factor is Dead Post 419 Factor is Dead. Be Careful Be Productive ! »

Et s’étendent sans contraintes les Cités de pierres. Et se multiplie sans retenue le nombre des bipèdes aux appétits incontrôlés. Et plus rien d’empathique et de naturel ne relie plus la Planète-Mère à cette engeance phagocyte. L’enfant terrible ne tète plus le sein de la Mère. Il déchire celui-ci à pleines dents, il va dérégler dans les tripes-mêmes de l’infortunée les flux vitaux et les Rythmes du Temps. A la pleine force de ses mâchoires mécaniques, il arrache sans regrets les moelleuses et tendres moquettes des Forêts originelles. Tout ce qui vit, tout ce qui foisonne, tout ce qui bouillonne, tout ce qui s’enivre de quiétude là-dedans depuis des millénaires et des millénaires se retrouve soudain à bruler vif aux incendies bipédiques. Et sur ces terres mises à nu, jonchées de millions de carcasses décomposées, s’élèveront de nouvelles Cités de Pierres et d’asphalte, se cultiveront des millions d’hectares de plantes oléagineuses, surgiront les cataractes d’un « Fleuve Inépuisable d’Argent », un « Cours de la Bourse » et d’astronomiques « Dividendes ». Et cette « Lèpre Argentique » dévore, plaque par plaque, la « Peau du Monde ».

L’enfant terrible, de ses rudes canines d’acier, fait jaillir des roches les plus denses et jusque du fond des océans, les fleuves noirâtre et les nuages pestilentiels des digestions de la planète.

Tout ce qui a vécu ici-bas depuis des temps et des temps a rendu à la terre sa pulpe, ses sels, ses moellosités. Et toute cette « soupe » d’ex-matière vivante s’est naturellement écoulée, goutte à goutte, grain à grain, fibre à fibre, dans des cavités souterraines où l’Alchimie Universelle de la Matière a fini par déposer lacs de pétrole gras, filons de houille sèche et poches de gaz asphyxiants.

Et le bipède aventureux décèle dans ces matières jusque-là enfouies au fond du Monde, des « Forces » propres à le transmuter en « Divinité Eructante ». Dans les turbines, dans les « Hauts-Fourneaux », dans les moteurs à explosion, il suffit de mettre à bruler ces matières « magiques » pour faire surgir de la chaleur, de l’énergie électrique, du mouvement mécanique, de la « Force de Propulsion »…

Plus rien ne fait plus obstacle aux « Rêves Fous » du bipède. Les Forces ainsi libérées lui permettent de « Soulever des Montagnes » et d’abolir le « Mythe des Distances Infranchissables ». Tout se trouve désormais à portée de la Réalisation des Désirs et la Satisfaction des Appétits. L’Humain qui peut s’offrir les Forces ainsi extirpées aux « Matières Magiques du Fond du Monde » peut s’affranchir de quasi toutes les contraintes terrestres.

Croit-il.

Mais voilà qu’après avoir brulé des milliards de tonnes des réserves des boues gluantes, de ses cailloux combustibles et des milliards de mètres-cube de ses gaz insidieux, l’Atmosphère respirable de la planète-Mère, gorgé des fumées carbonées, se prend à serrer en son sein les rayons du Soleil dans une Fusion Infernale.

Et l’Atmosphère vivifiante de nos Printemps Fleuris devient Fournaise Universelle et tout se met à dépérir à la surface des terres et jusqu’au fond des mers.

Hélas, le bipède ingénieux ne se contente pas de tirer des matières du fond du Monde la Force de Mouvement et de Propulsion, il apprend à en extraire et en synthétiser des atomes complexes propres à éteindre la « Flamme de Vie » des êtres les plus fragiles qui ont le tord de trop gouter à ses récoltes de fruits et de grains. Et les poudres mortifères rependues dans et sur les terres à moissons exterminent systématiquement des milliers d’espèces d’insectes et, par delà, des milliers d’espèces d’oiseaux et de reptiles se nourrissant de ceux-là.

Dans ses pipettes ingénieuses, bipède synthétise aussi une matière légère, souple ou bien rigide, imperméable, opaque ou transparente, qu’il tisse ou modèle pour répondre à presque tous ses besoins ou caprices. La « Matière Plastique », baptise-t-il la miraculeuse découverte.

En un siècle à peine, la matière « magique », elle-aussi, répandue par milliards de tonnes et servant à tous les usages domestiques, s’affirme comme le déchet le plus universel produit par la « Civilisation » Humaine et recouvre la Planète d’une couche asphyxiante. Jusqu’au fond des océans, des plus petits organismes  jusqu’aux mammifères marins gigantesques, tous les êtres aquatiques meurent englués, étouffés, confits, gorgés de ces matières en décomposition.

Asphyxiée, engluée, la Planète-Mère.

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Et qu’advient-il donc des milliards de « petites fourmis bipédiques » dont on vole la Vie pour assurer la production, l’acheminement et le commerce de ces monceaux d’inutilités ?

Sur la quasi-totalité de la planète ravagée, on contraint, à des postes de travail esclavagisés, des générations d’êtres vivants et naturellement libres à des taches mécaniques, abrutissantes, destructrices de leur santé et du sens-même de leur existence.

Deux crans à droite- tirer manette- petite fourmi.
Trois crans à gauche- pousser manette- petite fourmi.
Deux crans à droite- tirer manette- petite fourmi.
Trois crans à gauche- pousser manette- petite fourmi.
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Trois crans à gauche- pousser manette- petite fourmi.

« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 951 Factor is Dead Post 951 Factor is Dead. Be Careful Be Productive ! »

Creuse- gamin- creuse.
Gratte- gamine- gratte.
Sois attentif- gamin,
que pas une pierre ne t’échappe.
Sois attentive- gamine,
tout cristal doit voir le Soleil.
Tu veux donc gouter le fouet- gamin ?
Tu veux donc gouter le fouet- gamine ?
Toute goutte d’énergie humaine, désormais, doit être consacrée à l’activation de l’ Universelle Machinerie Economique. Chaque cellule bipédique en est un rouage forcé. Quiconque tenterait de s’affranchir de ce destin contraint se verrait écarté du Droit-même de survivre sur la surface de la Planète puisqu’il n’est pas un arpent de terre qui échappe à la loi de la Propriété et aux Droits pécuniaires attachés à celle-ci. Vagabonder anarchiquement sur les chemins terreux ou sous les frondaisons accueillantes des forêts encore debout, hors de toute mission professionnelle ou commerciale est un Délit, voire un Crime, aux yeux de la Société et selon les Lois de la « Fourmilière ». Toute parcelle de terrain étant nominativement attribuée à un individu ou une Collectivité, contre monnaie sonnante et trébuchante, toute intrusion non professionnellement motivée est vue comme une Violation de Domicile. Et l’innocent contrevenant qui ne cherche que l’ombre fraiche d’un arbre amical ou la rafraichissante gorgée de l’eau de la source subit les rigueurs de la Loi.
- Le repos, c’est sur le matelas réglementaire de ta chambre réglementaire. Et l’eau pour ta soif, c’est au robinet réglementaire de ton évier réglementaire. Ou au goulot de ta bouteille en plastique. Tiens-toi le pour dit. Cherche et trouve un Job Réglementaire et tout ira bien !

« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 1128 Factor is Broken Post 1128 Factor is Broken. Be Careful Be Productive ! »

Et tourne laborieusement la Fourmilière autour de « l’Axe Divin du Monde Voulu des Sphères d’en Haut ».

CROUIIIIC BLANG SCRATCH BLOUNG
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Deux crans à droite- tirer manette- petite fourmi.
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CROUIIIIC BLANG SCRATCH BLOUNG…..
A chaque instant, des milliers et des milliers de petits organismes-rouages-bipédiques rutilants-neufs sont précipités crus au grand tourbillon du Productivisme Mondialisé. Tout souffle de leur jeune respiration, toute once de leur jeune énergie lui sera consacré à longueur de Temps, à longueur de potentiel vital. Ils seront nourris pour cela et juste pour cela. En dehors de la « Chaine de Production », rien au Monde n’a de sens. Rien.

Produire- Acheminer- Produire- Consommer- Produire- Acheminer- Consommer- Jeter- Détruire- Produire- Acheminer- Consommer- Jeter- Détruire- Produire- Acheminer- Consommer- Jeter- Détruire- Produire- Produire- Produire- Produire- Produire…
Former, formater les jeunes bipèdes-rouages à la tache, à une tache donnée, à une tache précise, rationnalisée, et leur désigner à chacun un poste de Travail, un poste productif. A cadence tenue, à cadence réglée, à cadence rythmée,  à cadence optimalisée.

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Deux crans à droite- tirer manette- petite fourmi.
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Tous les jours, des milliers de cellules-rouages bipédiques toutes neuves jetées vives au tourbillon de la machinerie. Et tous les jours, des milliers de cellules-rouages bipédiques fléchissant, s’affalant, tordues de fatigue et de douleur, au pied du Poste de Travail. Cellules usées, cellules déchirées, cellules rongées, cellules rouillées, cellules courbattues, cellules vrillées, cellules démantibulées, cellules démembrées, cellules perforées,
cellules orphelines de leurs liens familiaux,
cellules orphelines de leur Identité primale,
cellules orphelines de leur rêves d’enfance,
cellules orphelines de leurs instincts,

cellules orphelines de leur palette d’émotions,
cellules orphelines de leur soif d’eau fraiche et des chants à la Lune,
cellules orphelines des petits cœurs gravés, jadis, à l’écorce du bouleau,
cellules orphelines de la primaire empathie bipédique pour les fraternelles frondaisons des Forêts ancestrales,
cellules orphelines, usées, déchirées, rongées, rouillèes, courbattues, vrillées, démantibulées, perforées…
Cellules-Rouages-Bipédiques devenues inactives, inutiles, abandonnées à l’oubli des mouroirs, des cimetières, des incinérateurs…
Cellules-Rouages-Bipédiques devenues des « Riens Inutiles », des « Riens Inacifs », des Riens inutiles, des Riens inactifs, des riens, des riens de riens, des riens…des riens…des riens ... plus rien… plus rien… pas même un souvenir…
Pas même une ombre de souvenir de rien….

« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 39 Factor is Dead Post 39 Factor is Dead. Be Careful Be Productive ! »

Ohé ! Ohé ! Ohé les Gens ! Ohé !
Je suis la brise matinale. Juste je me suis levée pour vous, pour vous rafraichir, au cœur du souffle de la Forêt, celle restée debout au flanc de la colline.
Par pitié pour vos corps endoloris,
par pitié pour vos dos ployés sur le ventre bruyant de la machine,
par pitié pour vos mains endolories aux tréssauts de la chaine crissante,
par pitié pour vos jambes vascillantes de l’incessant piétinement sur place,
Par pitié pour vos cerveaux ébranlés aux percussions infernales des pilons, je suis venue appliquer sur vos corps brisés la douce caresse d’un air parfumé, pétillant des senteurs des sous-bois. J’ai voulu m’immiscer jusqu’à vous, fraternellement, pour raviver en vous une enivrante fraicheur, de vos sens oubliée.

« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 333 Factor is Broken Post 333 Factor is Broken. Be Careful Be Productive ! »

Ohé ! Ohé ! Ohé les Gens ! Ohé !
Je suis le Voyageur des espaces célestes, celui qui relie les horizons écartelés d’un battement d’ailes. J’ai laissé au nid ma piaillante nichée, la dernière, peut-être, par pitié pour vos nuits d’où tout rêve a disparu,
par pitié pour vos cœurs asséchés où toute passion n’émmerge plus qu’en tas de cendres,
par pitié pour vos cordes musicales intérieures qui ne vibrent plus de rythmes acidulés,
par pitié pour vos âmes poétiques désertées de tout mot, de toute larme d’émotion,
par pitié pour ces yeux éteints qui ne savent plus l’éclair du rire enfantin.

Ohé ! Ohé ! Ohé les Gens ! Ohé !
Petit insecte surgi d’une cassure dans le ciment du sol, infiltré, au péril de ma survie, par les vrombissantes tuyères d’aération, accroupi incognito, au repli sombre d’un fruit à coque, arpentant malicieusement l’interminable galerie au cœur de la poutre faîtière, je suis venu vous gratouiller au creux de l’oreille.
Gratouiller des mots d’ombres fraiches,
des mots de sources vives,
des mots d’Océans infinis,
des mots de vagues bleues, d’écumes pétillantes,
des mots de baisers amoureux échangés tendrement au creux discret d’un buisson,
des mots de pulpeuses fruitaisons aux envergures verdoyantes d’un verger,
des mots d’éclats de rires, d’éclats de jeux d’une volée d’enfants s’égayant, ivres de bonheur, au creux buissonneux du vallon.

« Trrrrr Trrrrr Trrrrr Alert Alert Post 617 Factor is Dead Post 617 Factor is Dead. Be Careful Be Productive ! »

Ohé ! Ohé ! Ohé les Gens ! Ohé !
Par pitié pour la Beauté,
par pitié pour la richesse de la Diversité,
par pitié pour la survie des mille millions de « Visages du Monde »,
par pitié pour l’Harmonie entre les êtres des Océans, des Terres, des Envergures Célestes, entre les êtres microscopiques et les gigantissime arboréscences,
entre ceux qui crient, qui hullulent, qui barissent, qui caquettent, qui aboient, qui miaulent, qui glapissent, qui anonnent, qui parlent, qui chantent, qui hurlent, qui bourdonnent, par pitié, s’il vous plait, de grâce, reprenons la Symphonie de la Vivante Planète, retissons, fraternellement et harmonieusement, la trâme de la Vie.
Par pitié, s’il vous plait, de grâce, faisons Planète Vivante Commune.
Ou c’en sera bientôt fini. Annihilé. Sacrifié. Effacé.
A tout jamais.
A tout jamais.
A tout jamais.
A tout jamais…

Mais par pitié, amis Humains que nous aimerions tant retrouver dans le sein de la Famille, par pitié, oubliez là-bas, dans les méandres du Temps passé douloureux, oubliez votre « Savoir du Feu ». Ce savoir d’où tout malheur a surgi, ce savoir maudit d’où jaillit votre enfer, et le nôtre.
Que devienne « Main de Caresse » cette main qui jetait le Feu.
Le feu à l’herbe sèche de la prairie,
le feu à la forêt débordante de sève, grillant ou asphyxiant chaque être à plumes ou à poils, rampant ou volant, le feu du plomb, tiré, pour le « fun », sur l’animal innocent, dans un fracas de tonnerre, le feu bouté aux récoltes de « ceux de la Colline »,
le feu aux écuries de « ceux de la Vallée »,
le feu au bûcher de ces Femmes soupçonnées de « sorcellerie »,
le feu au bûcher de ceux-là, adressant leurs « païenneries » aux « Fausses Sphères d’en Haut »,
le feu explosif balancé cru au cœur des Cités bourdonnantes, balancé vif sur l’Arsenal adverse, le feu démultipliant le feu et les ravages du feu,
le feu ultime, actionné à la fission du cœur de la matière, diffusant son poison rayonnant pour des éternités.
Par pitié, plus la « main du feu ».

Que le Temps s’ouvre enfin, par pitié, s’il vous plait, de grâce, tel est notre vœu, de la main de la caresse fraternelle, protectrice, la main que l’on tend généreusement et que l’on saisit avec tant de Bonheur.

Tant de Bonheur.






Texte écrit en octobre 2019 au Bar Le Court-Circuit à Lyon 7ème et dit en Public au Théâtre Le Carré 30, Lyon 1er le 11 mars 2020 en duo avec Chantal PRIMET.