Ecrit en 2011, ce long Récit Poétique "Aux alentours de nulle-part" nous projette sur une planète Terre où plusieurs décennies d'un "déluge" provoqué par la "Civilisation Humaine" a fait disparaitre la presque totalité de la Vie. Seules, quelques bribes de végétation et de rares animaux se sont accrochés sur des cimes non atteintes par les eaux. Et aussi quelques poignées d'individus de ce qu'il reste d'une Humanité autrefois si dense et si prolifique. Et dans quel état, dans quelle misère, dans quelle déchéance civilisationnelle ! Nous suivons les avatars de quelques personnages survivants à cette grande catastrophe et à ce nouvel état du Monde. Et, entre autres, nous assistons à cette interpellation qu'adresse une vieille Dame,du haut d'une falaise, à la "Dimension de Conscience Universelle" qu'elle accuse d'avoir laissé une Humanité riche et prometteuse de talents et d'intelligence se vautrer et se perdre dans une gabegie et une déchéance qui ont mené le Monde à sa perte et à l'effondrement final. C'est ce "CRI" que l'on peut lire ci-dessous.
Monologue de la Vielle Dame au chien
« Pourquoi ?
Pourquoi,
Alors que pouvait s’établir,
Fraiche et enthousiaste,
Une civilisation de jardiniers,
De bâtisseurs, de découvreurs
Et de poètes,
Pourquoi n’avoir pas étouffé
Dans ces âmes
Fraichement irradiées de tes lumières
Les germes âpres
Des orties et des ronces ?
Pourquoi avoir cédé la place
Au moindre assaut
Des forces ténébreuses ?
Pourquoi as-tu permis
Que ta révélation
De force de Lumière, de Connaissance,
Soit travestie, grimée, dénaturée,
Puis présentée, enseignée, imposée
En dogmes mensongers
En lois inquisitrices,
En hiérarchies injustes et immorales ?
Pourquoi ton surgissement
En la lignée des hommes
A-t-il amplifié leurs instincts
De cruauté, de barbarie ?
Pourquoi dans ce Monde,
Pourtant baigné
De ta source fraiche,
L’homme, dédaignant sa houe,
S’est-il armé d’une lame froide
Pour s’en aller piller
La récolte d’autrui ?
Pourquoi as-tu permis
Qu’explose en mille éclats tranchants
La sphère cristalline
D’une humanité
Au destin rayonnant ?
Comment as-tu pu tolérer
L’instauration des classes sociales
Du servage, de l’esclavage,
Comment l’idée a-t-elle pu s’imposer
Que des hommes, privilégiés,
Ont droit sur les autres,
De vie et de mort ?
Comment, dans un Monde
A visée d’Amour universel
A-t-on pu laisser,
Au mépris de toute justice
De toute logique,
Le sexe aux bras de fer
Réduire à la servitude et au silence
Le sexe aux bras de tendresse
Et de consolation ?
Comment, dans certains peuples
Et des siècles durant,
Et sous prétexte de prescription divine,
A-t-il été possible d’infliger
A des millions de femmes
De traverser leur vie
Dans le tunnel obscur
De la soumission
Et de l’inapparence ?
Pourquoi, à la satisfaction
Des folles humeurs et ambitions
De satrapes insensés,
A-t-on laissé des Nations
Agresser des Nations,
Des Peuples exterminer des Peuples ?
Pourquoi, alors que chaque jour
La civilisation des hommes
Devrait s’approcher du soleil espéré
De toute sagesse,
Laisse-t-on suppurer
Les plaies vives et sanglantes
De haines ancestrales ?
Pourquoi ces fleuves de sang
S’écoulant trop souvent
Aux champs ravagés
Des récoltes perdues
Sous le pas lourd des armées
Et la chute vertigineuse
Des corps pétrifiés ?
Pourquoi, ce pavé des villes martyres,
Tressautant sous la course des chars,
Gluant du sang du peuple
Et des chairs écrabouillées
Des rêveurs et des utopistes ?
Pourquoi avoir abandonné toujours
A la vindicte des tyrans
Les défenseurs visionnaires, courageux,
De Ta Révélation, de Tes Lumières ?
Pourquoi, renonçant à faire germer
Compassion et beauté
Dans l’esprit des hommes,
L’a-t-on délaissé, en jachère,
A la malignité ravageuse
Des manipulateurs
Et des illusionnistes ?
Comment, des siècles, des millénaires,
Après ton fulgurant surgissement
Dans la lignée humaine,
Après avoir projeté par cela
Le Monde du vivant
Dans la dimension de la Conscience
Et de la responsabilité,
Comment se fait-il
Que cet élan se sclérose,
Se pétrifie, se ratatine,
Dans une humanité d’instincts bestiaux,
D’appétits incontrôlés,
De voracité dévastatrice,
De manipulations criminelles,
D’égoïsme déstructurant,
Dans une société humaine morcelée,
Atomisée, déconstruite,
Livrée corps et âme
Au noir vertige
De son abandon moral,
Soumise, sans rémission,
A la dictature barbare
De sa vanité, de sa paresse,
De son égocentrisme,
De sa vacuité originelle ?
Et ce Monde magnifique,
Exubérant de vie, grandiose, miraculeux,
Dont l’homme n’était qu’un maillon,
Qu’une fibre,
Et qu’il a cru à lui offert,
A lui, mis à disposition,
A lui, donné en pâture,
Et qu’il a déchiqueté,
Eventré de part en part,
Etouffé de gaz suffocants,
Inondé de poisons irrémédiables,
Tourmenté de mille et mille
Edifications vaniteuses,
Incendié de mille feux inextinguibles.
Et ces immensités vertes et profondes
De forêts primitives
Qu’il a rongées, arpent après arpent,
Jusqu’à ce que tout soit
Consommé, consumé,
Qu’il n’en reste que des copeaux,
Détruisant dans ce crime
L’inimaginable,
L’incalculable richesse
De vie radieuse
Qui y vibrillonnait, sereine,
Depuis la nuit des temps.
Et ces océans, ces mers,
Aujourd’hui réceptacles
De toutes les déjections,
Insondables bassines
De saumures pestilentielles,
Et qui pourtant furent un Monde !
Qui furent bouillonnements de vie,
Creusets de surgissements,
D’adaptations extraordinaires,
Incroyables,
Espaces liquides envoutants,
Merveilleux !
Car il y eut de la vie,
Et quelle vie, t’en souviens-tu,
Dans ces immensités bleues,
Il n’est qu’à regarder
Les traces encore visibles
Dans les pierrailles que je foule
Pour s’en souvenir amèrement.
Mais la lignée des hommes
A fait main basse, comme sur le reste,
Sur ce trésor
Qu’elle a pris pour une mangeoire.
Et le bipède impétueux,
Droit dans ses bottes
Sur le pont du navire-usine,
A jeté ses filets aux mailles serrées
Dans les profondeurs de l’océan
Et remonté à son bord
Des récoltes de chair frémissante,
Et relancé et relancé encore
Ses pièges de pillard
En aveugle insatiable,
De plus en plus loin,
De plus en plus profond,
Labourant les fonds de corail
Comme une hyène s’acharnant
Sur l’ultime bout de chair sur l’os.
Comment, juste pour satisfaire
Les caprices esthétisants
De masses ventrues et imbéciles,
A-t-on pu laisser massacrer
Les races de cétacés,
Anéantir, pour leur seul aileron «goûteux »,
Les peuplades de requins,
Rayé du Monde du vivant
L’espèce du thon rouge,
Pour la seule raison
Que son jus donnait une jolie teinte
A de petits bâtonnets moelleux,
Agréables au regard et au palais
Des bipèdes festifs ?
Comment, je te le demande
Les yeux dans les yeux,
Comment est-il possible
Qu’on ait laissé commettre l’irréparable ?
Comment la Lumière, Ta Lumière,
Ne s’est-elle pas imposée
Dans les méandres du cerveau
De la bête élue, choisie de toi, pourtant ?
Il y a bien surgi de l’Art,
De la Musique, de la Poésie,
De la Philosophie !
Pourquoi pas de la Sagesse,
Du Respect,
De la Contemplation fraternelle ?
Pourquoi avoir laissé patauger
Dans cette déchéance morale
Des êtres qui avaient tout en eux
Pour briller comme des soleils ?
Parce qu’on avait sous la main
Le sujet d’une expérience excitante
Ou d’un pari fou d’ivrognes ?
Pour laisser en toute indépendance,
Impartialement,
Se dévoiler, surgies de nulle-part,
Les vertus du libre-arbitre ?
En vue de s’émouvoir un jour,
Juste avant que tout finisse vrillé
Sous sa main assassine,
Des beautés du repentir humain
Et de sa rédemption ?
Parce qu’il fallait que fussent explorées
Toutes les impasses de la souffrance,
De la misère, de l’horreur, du crime,
De la perversité, de la déchéance,
Pour que prît sens, enfin,
La clarté aveuglante
De ton Œuvre de Sanctification
Dans l’acte d’Amour et de Fraternité ?
C’est pour cela que, sans entraves,
Tant de crimes ont été commis ?
Et c’est pour cela
Que de milliards d’êtres connurent
L’oppression, la barbarie,
La torture, l’esclavage,
Le bûcher, la lapidation, l’exil,
L’interdiction d’exister à visage visible,
C’est pour cela que, sans broncher,
On a laissé mettre à mort
Les porteurs de Lumière,
Les porteurs de Ta Lumière ?
C’est pour cela, par souci, peut-être,
De ne pas intervenir
Dans le déroulement de l’expérience,
Qu’on a laissé la lignée des bipèdes
Araser sa Terre jusqu’à l’os,
Lui mettre les tripes à l’air,
La molester jusqu’à la mort ?
Et voilà que la planète agonisante,
Dans un dernier sursaut,
S’est résolue en fiente nauséabonde,
Voilà que la chair vive
De la planète bleue
S’est liquéfiée en torrents de boue
Et de galets roulants,
Voilà que tout fut englouti
Sous la vase et les marées gluantes.
Voilà qu’il ne reste du miracle
Que quelques meutes
De bêtes carnassières,
L’inlassable grignoterie des rats,
Le gigotement écœurant
Des vers rouges
Dans les flaques et les bourbiers,
Des déserts de bosquets épineux,
D’arbustes rachitiques aux fruits aigres.
Et puis, errant entre les fleuves rageurs,
Dormant, tapis
Dans des trous de rochers
Ou au creux mordant
De buissons ardents,
Grattant à pattes nues
Les tripes momifiées
Des carrières-concaï,
Dévorant cru quelque petit rongeur
Ou des poignées de vers de vase,
Egorgeant comme on respire
Un congénère pour lui voler ses loques
Ou son sang tiède,
Une écume surnageant
De ce qui fut la lignée humaine,
De ce qui fut vecteur d’un rêve fou,
D’un espoir fou
De réalisation d’Universelle Conscience,
Une écume impuissante,
Au bord de l’extinction,
De bêtes barbares,
Sans vision,
Sans savoirs,
Sans mémoire,
Sans langage,
Sans conscience.
Voilà !
Voilà !
Voilà !
La merveilleuse histoire
De l’Odyssée des hommes !
La merveilleuse sublimation
De la Dimension
De Conscience Universelle !
Beau résultat !
Quel spectacle !
Chapeau, ma salope !
Ça, c’est du travail !
Le Livre Artisanal réalisé par mes soins est visible dans la colonne "Tiroirs" à la case "Mes LIVRES". Chacun-e y est Bienvenu-e !!!
Denis MARULAZ extrait de «AUX ALENTOURS DE NULLE PART » Déposé à BNF
Photos "ambiancées" de l'Auteur.
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