samedi, juillet 29, 2006

Avis amical aux visiteurs/teuses

crayon d.m.


J'en entends d'ici des qui disent : -Hou! la sale bête! le vilain égoïste, le nombriliste impénitent ! Il a pas mis un lien, pas un encadré qui parle du boulot des copains ! Honte, honte, honte !!!
Y zont raison et y zont tord.
Raison parceque y'a plein de gens qui ont des sites super et qui valent le coup de faire le lien avec et tord parceque tout bêtement, je suis infoutu pour le moment de créer ces liens et ces encadrés: complètement néophyte dans la boite à outils BLOG, j'ai beau lire et relire les "aides" incluses au programme, je comprends rien à leur charabia et voilà, mon site ressemble à la vitrine d'un malpoli. Pardon aux visiteurs/teuses et aux copains poètes et autres artistes dont j'apprécie tellement le travail et l'univers. Je vais faire le maximum pour me mettre au diapason. Et si quelqu'un peut m'initier un peu à cette gymnastique-là, merci d'avance!
Amicalement à tous.
(tiens, pour me faire pardonner, une petite fleur à toutes et tous.)

SILICIUM /2

encre d.m.



chapître 2 Ventres

Le niveau de l’eau, dans son trou, venait d’atteindre le raz bord. Toute la surface de la plage suintait une légère peau d’humidité. Le soleil rayonnait de mille feux sur ces milliards de flaques frémissantes. Et ce fut soudain, sans sommation, comme si un monde en eut remplacé un autre par magie. Une vague colossale, issue du fond des temps, submergea tout, arracha tout, rasa tout.

La grande marée, le tsunami des mille mondes, la transbordation universelle, la liquéfaction dynamique, l’exploshydrification de toutes chose, tout devint fétu de rien au maelström et lui, atome innocent gorgé de silice et de plancton, maître absolu d’un peuple d’invertébrés minusculaires et de rampants décérébrés, lui qui tourniquait depuis le temps des mondes autour d’un bout de bois par un lien de chanvre, lui qui s’était taillé un empire d’un bac à sable, ne l’ayant jamais voulu échangé contre un cheval ni même un hippocampe, lui, lui s’en alla valser aux crêtes de la vague et au fond des abysses l’aventure de la vie. Puisque ça s’appelle comme ça.

encre d.m.

Dans un remuement incessant, déboussolant, harassant, c’est une continuelle lutte de ventres. L’autre, les autres, tout n’est que mâchoires, estomacs, sphincters. Tout est prédateur, tout est proie. C’est le monde de l’arrache, du pillage, de la fringale, du désossement, de l’étripation, de la mastication, de la digéritude, de l’éventrement, de la hachisation, de la moulinettisation, du regard affamé, de l’éradication de l’autre, de la cramisation du vulgus, de la digestation de ses propres enfants ; petits, moyens, grands, tout le monde bouffe tout le monde, des hordes se forment, additionnant les forces isolées pour en faire des machines de guerre, des machines à détruire, à broyer ; la danse des corps, envoûtante au cœur de la vague noire est une invitation au massacre et aux égorgements, les chants les plus mélodieux appellent à mots masqués à des saint Barthélemy et des crimes sans nom ; il n’est pas un regard qui ne vous dépouille et se fasse à l’avance un festin de vous, toutes les innocences sont dévoyées à des appétits écœurants ; des milliards d’animalcules, frayant au cœur des flots, synthétisent à la louche des poisons foudroyants dont ils inondent à l’envi des bancs entiers d’alevins, un peu pour s’en gaver, beaucoup pour la beauté du geste et la hargne du monde.

Dans le déferlement de la vague gigantesque, le petit homme arraché à son pieu et délivré de sa corde se voit jeté en pâture aux appétits du monde. Lui qui s’imaginait orchestrer les créations et abrutissait de discours moralistes les crevettes de la flaque, se débat aux remous des irrésistibles courants, essaie en vain d’échapper aux morsures accablantes, aux harcèlements des protecteurs à gages. Il n’a d’emprise sur rien, en fuite perpétuelle. Il comprend bien que la sauvegarde, la survie, dépendent des appétences, des rages à bouffer les autres, prédatoriser tout et même ce qui se voudrait donner, mais ses dents se sont trop usées à mâcher du sable, il a trop tourné en rond dans sa petite flaque, il n’a pas l’habitude des raids au long cours, il n’est musclé ni de corps ni d’esprit, il s’est tellement peu nourri de sang que le goût du sang ne lui vient pas, ce goût du sang qui vous pose un peu là son « Roi de la Création », qui vous désigne comme l’objet de toutes les terreurs et de toutes les vénérations. Neptune a toutes ses dents, qu’il lime chaque jour aux os de dauphins blancs.

encre d.m.

Il assiste, notre homme, impuissant au déroulement de la grande spirale. Homme de mots, de phrases, de discours, il ouvre la bouche pour dire, hurler, appeler, l’eau le pénètre, grouillante de choses sordides qui lui mordent la langue. Il aperçoit bien dans le trouble des luttes pour la survie d’autres soi qui gigotent, il essaie bien de former avec certains d’entre eux, au hasard des catas, des bancs hétéroclites de défense commune, mais le grand appétit déploie là aussi son influence universelle et le frère mange le frère, et le sang rougit jusqu’au sein des amours. La « dévore-attitude » est à ce point ancrée dans le sens de chaque vie qu’après avoir déchiré à pleine gueule toute flore et toute faune, on s’attaque rageusement à sa propre chair, torturé par la faim qui fait tourner le monde, on s’arrache soi-même par lambeaux, on se désaltère à son propre sang.. On voit des êtres, ivres de douleur, attirés par des vertiges macabres, s’empaler passionnément et sachant y pouvoir crever, aux dards empoisonnés des « Chevaliers de la mort ».
Comme il faut bien renouveler en permanence la matière à nourrir ces ingestions de puits sans fond, on se féconde à pleines tripes, conjuguant l’ardeur des pénétrations à celles des égorgements. Tout le monde y va de son coït furtif, zyeutant du fond de son trou, l’ombre de sa prochaine proie. Déjà on se refait les dents en mordant au sang celui ou celle qui s’est donné à vous. Des poissons pirates attendent que les mères partent en chasse en abandonnant leur nid pour y faire des razzias d’œufs et de larves. Il faut sans fin renouveler le cheptel, on crée de la vie à tour de bras pour que la mort s’empiffre.


encre d.m.

Notre petit homme, brassé au tourbillon de la vague, n’en croit pas ses yeux. Il est lâche, indubitablement lâche. Il a peur, il crève de trouille au milieu du champ de bataille. Il est lâche, se terre dans des trous obscurs, ne participe pas aux égorgements, se met à l’abris des morsures et des arrachements. Il reste insensible aux rythmes saccadés des appels de la vie, il ne sait pas se déguiser en ogre, il ne sait pas arracher sa pitance à même le corps de la bête, il ne sait pas attacher des enfants à des buissons épineux et empoisonnés, ça ne lui viendrait même pas à l’idée. Il n’a absolument pas la carrure ni l’âme des grands prédateurs, il est un étranger au monde de la vague, il traîne derrière lui le poids de sa lâcheté, on se détourne de lui comme d’une espèce de bête puante, c’est le putois des mers, la fadeur de son être le tient à l’écart des convoitises et des élans reproductifs. Quelle femelle aurait l’idée de se faire féconder par un être raplapla pareil ? Qu’est-ce que ça donnerait, des enfants de ça, au cœur des tourmentes sanglantes, des chevauchées conquérantes ? Y aurait-il un sens de faire des enfants avec quelqu’un qui ne rêve pas de bouffer le monde ? Qui ne prend même pas la peine de se déguiser en guerrier, en Attila de pacotille ?

La vague grouillante n’avait pas besoin de s’encombrer d’un organisme encore moins vindicatif qu’un mollusque. C’était même dangereux pour la dynamique propre qui la projetait aux confins des univers. Ne pouvant le digérer, par une espèce de répugnance pour son abjecte lâcheté, n’ayant pu le convertir même à de saintes croisades, elle résolut de s’en débarrasser et le cracha, au loin, s’en ressentit allégée, apurée, vivifiée.

"Silicium" extraits 2 texte déposé à SACD/SCALA

vendredi, juillet 28, 2006

SILICIUM










encre d.m.

«Silicium » n’est pas un récit, une nouvelle, un voyage initiatique. C’est la métaphore d’une douleur, d’une blessure chaque jour passée et repassée à la lame du scalpel d’une humanitude débridée. Comment accepter au quotidien son appartenance à la horde quand on assiste, impuissant, terrassé, à l’inexorable écrabouillement du monde. Par nous ! Par Nous !!!
La vie, pourtant, ne demande qu’à germer, se répandre, s’envoler, s’enrouler aux rayons du soleil apprivoisable. Il suffirait de l’aimer, n’est-ce pas, de se glisser discrètement dans son élan. Mais les appétits, le pouvoir, les fantasmes de pouvoir, le plaisir indicible de la cruauté dégustée ne permettent jamais que le miracle s’étende au paroxysme de ses envergures.
Ainsi, l’Homme des sables, l’exilé, le rejeté, l’inachevé, traînant son fardeau atavique, jardinera les grains possibles de vie jusqu’à ce qu’il comprenne une bonne fois pour toute que rien ne résistera jamais au fléau humain. Et que lui-même n’a rien à faire dans cette histoire.



chapître 1 Sablitude
Il est né à la lisière d’un océan d’eau trouble et d’une mer de sable trop mou. Le destin l’avait craché dans une peuplade où l’on se méfiait de l’eau, de mer ou pas, comme d’un élément impur, comme le lieu de grouillements infectes, de mijotations écœurantes. A peine s’en servait-on, après moult ébullitions, pour tremper la soupe ou abreuver les bêtes et les jardins. Comme cet océan, résultat peut-être, de la conjonction de fleuves de larmes humaines depuis des temps et des temps, s’était trop souvent nourri de la tendre chair de bambins oubliés à leurs jeux, on avait attaché celui-là à un pieu, le laissant arpenter, à longueur de jour et de nuit, son petit cercle de sable inaccessible au flux.
Son imagination, nourrie de quelques mots déposés par le vent, d’images reflétées à la toile des gros nuages blancs, les jours de tempête, aux histoires sans queue ni tête dont une vieille folle se débarrassait sur lui comme du contenu d’une poubelle, lui faisait dessiner dans son sable, des routes qui tournaient en rond, construire des maisons sans fenêtres, mener des transhumances de troupeaux de cailloux, jouer de farouches batailles où des soldats de bois mort égorgeaient leurs frères de coquillages brisés.
Hormis la vieille folle, personne ne s’intéressait vraiment à l’enfant, ce qui était plutôt normal, vu que dans cette peuplade, les enfants, ça arrivait comme ça, par une sorte de routine des choses. Que vouliez-vous qu’on fasse d’un enfant, sinon, quand il commencerait à forcir un peu, le mettre à la culture des patates et l’édification des cases en terre battue ? A qui serait venue l’idée, d’où aurait-elle surgi d’ailleurs, de parler à un enfant, d’échanger des rêves avec lui, de partager ses rires ? Dans cette peuplade, être un humain signifiait cultiver la terre, élever les bêtes, manger, dormir à l’abri de l’orage ; la vie d’enfant n’étant qu’une étape improductive en attendant de prendre la relève.


encre d.m.

Dans son rond de sable, l’enfant, peu à peu, s’était créé un univers. A lui tout seul. Certes, la corde qui le retenait, pour son bien, l’empêchait de s’aventurer physiquement dans l’envergure d’un monde dont il soupçonnait, inconsciemment, les dimensions et la densité, certes, il serait bien allé patauger dans les flaques abandonnées par la vague, à quelques pas de lui, certes, malgré son appréhension et les sombres histoires de noyades de la vieille, il serait bien allé visiter sous l’eau des mondes ensemencés de vies mystérieuses, mais, n’ayant pas conscience encore de l’infamie de cette longe qui l’entravait, n’ayant pas encore la phobie des chaînes et des lieux clos, il n’avait pas eu l’idée de ronger ses liens et son esprit inventait juste, par adaptation, par instinct de survie, de reproduire à sa portée de main les mondes d’ailleurs, de là-bas, les mondes d’outre- chaîne.
Ce cercle de sable, ne l’avait-il pas, à un moment, sculpté en forme de vague vive, n’en animait-il pas bruyamment les flux et les reflux, ne s’y vautrait-il pas, comme un homme-poisson, entre deux eaux ? N’en ramenait-il pas des pêches miraculeuses, n’y avait-il pas rencontré, et avec quel effroi, des serpents de mer et des pieuvres gigantesques ? Combien, dans la tempête, avait-il vu sombrer, corps et biens, de navires fracassés, de chalutiers de la mort ? N’y était-il pas tombé amoureux, sur un lit d’anémones, d’une fragile et envoûtante créature sous-marine aux lèvres si chaudes et aux mains si douces ?
A ces jeux de l’imaginaire, attaché à sa corde, cette épaisse couche de sable qui semblait être son élément d’évolution, à tout jamais, il l’apprivoisait, peu à peu. Son corps s’accoutumait à cette consistance molle et coulante, savait, par des contorsions particulières, par une habile utilisation de la force de gravité et de la fluidité des corps, se glisser au cœur de la matière poudreuse.
Certes, il ne s’agissait pas de nager dans le sable comme le dauphin dans la mer. C’était plutôt comme une lente progression ondulatoire, comme une espèce d’enfoncement normal d’un corps lourd dans une masse molle. Son corps était, malgré lui parfois, comme aspiré par le sable, et il lui était arrivé plusieurs fois de s’endormir sous les coups de boutoir du soleil et de se réveiller, quelques heures plus tard, presque entièrement enseveli, les narines émergeant seules au raz du sol. Ce phénomène d’enfouissement devenait tellement naturel que désormais, il devait lutter pour rester en surface, se raidir dans des positions de surnage inconfortables et surtout qui l’empêchaient de vivre ses histoires imaginaires. Alors, à bout de crampes, il se laissait aller, délassait son corps qui, peu à peu, glissait au fil du sable où il retrouvait les êtres fantasmatiques qui le peuplaient, veillant à émerger de temps à autres, pour respirer.




encre d.m.

Le temps, au creux de cette flaque de sable, ne soufflait pas de l’uniformité habituelle. C’était, dans le vibrillonnement des molécules pierreuses, de continuels va-et-vient entre hier et demain, entre des présents à géométrie variable, entre le rêve et l’irréalité, entre une vie de mort et une mort vivifiante, entre des regards oubliés et des espoirs perdus, entre des promesses d’avenir heureux et des impasses d’utopies naïves, entre les questionnements d’un être vivant, aspirant à vivre encore, à vivre toujours, à vivre plus et les réponses mensongères de ses illusions artificiellement, incongrûment, maquillées en jouisseuses de bon aloi et en initiatrices épicuriennes. Lui, ne sachant rien du monde, des gens, de la vie, se désaltérait à toutes les sources fantasmatiques, croquait de tous les fruits virtuels et, dans son trou de sable, s’égayaient des paradis, se forgeaient des enfers qu’il visitait, tremblant, et dont il se délectait à grands coups d’état d’âme et d’interrogations fiévreuses.
Si le monde physique devait contenir tous les mondes physiques qu’il inventa au fond de son trou, il faudrait le soumettre aux forceps, l’écarteler, le démembrer, le sur dimensionner pour que tout y put tenir. Du fond de son nid de crabe, il ressentit, de par les imaginaires qui suintaient de son cerveau bouillonnant, autant et plus des sentiments qui s’étaient révélés au cœur des hommes depuis le début des mondes. Du bout de sa corde, il arpentait les galaxies, les connues et les autres, il frayait avec les maîtres du monde, livrait des guerres impitoyables, aimait d’Amour la sublime reine des bois galactiques qui le couvrait de baisers, il récrivait la Constitution de l’univers, découpait des têtes au nom du Peuple de Paris en 92, matait des tyrans, séchait sur la Croix à côté de son frère jumeau, fondait des orphelinats en terre de massacres et de famines, caressait de la langue et du bout des doigts chaque parcelle de la peau de ELLE, abandonnée de jouissance, il, il, il…
Il lui suffisait, au fond de son ensevelissement, d’ouvrir les yeux aux fragiles fluorescences quartziques pour que les mondes lui apparussent grouillant d’une vie dont il était de plus en plus souvent le marionnettiste.


encre d.m.

Tous ses sens se modelaient ainsi à son abandon rivé à une flaque de sable. Des musiques aux notes sourdes et estompées, des sons faits de crissements, de glissements, d’écoulements ; des odeurs iodées de vieilles écumes, mijotantes de vies en suspension ; des sensations de caresses tièdes, de souffles froids ou brûlants, d’aspiration par de gigantesques ventouses, de brûlures atroces, de rythmes et de déraillements de rythmes ; des onctuosités de miel chaud et de fruits sauvages, des morsures de mets pimentés lui réveillaient les papilles alors même qu’il mâchait machinalement du sable.
Car il s’était mis à manger du sable. Les autres ne respiraient-ils pas aussi machinalement l’air de leur cuisine, de leur cave, de leurs latrines ?
Oh ! Pas par poignées, pas à la pelle, juste comme ça, une languée par-ci, une languée par-là, parce que ça vous dévoile des goûts inattendus, que ça vous a une consistance moelleuse, parce que le corps finit par réclamer sa dose de pétrification.
Enfin, au début. Quand on apprend à domestiquer les choses, à les noter, à les apprécier. Quand c’est encore du domaine de la séduction, du flirt. Quand cela tourne-t-il à la manie, à l’obsession, au besoin incontrôlé ? On ne sait pas, ça vient, un jour, on a franchi un seuil. Pour lui, ça s’est révélé, c’est ça, un jour. Avant de rentrer dans sa flaque, il en a saisi une poignée, l’a fait couler sur sa langue, fermé les yeux.
Dès lors, plus rien n’aurait pu l’arrêter, il aurait dévoré la plage. Son aire se creusait de jour en jour. Il ne recherchait plus rien dans la matière friable, que le crissement des grains sur l’émail de ses dents, que l’irritation des gencives, de l’œsophage, que le broiement cristallin dans l’estomac. Très vite, son monde s’était vidé de ses fantômes oniriques, de ses cavalcades échevelées, de ses rencontres symboliques, de ses élucubrations salutaires et vitales. Il en était venu à brouter le sable, comme une vache l’herbe verte du pré, et, comme elle, ne songeait plus à rien, sentant juste au fond de lui, comme un vide insondable, comme un manque d’il ne savait quoi et qu’il comblait à pleines ventrées de silice.

Il en était à ce stade de rumination lithophagique quand son monde, ou ce qu’il en était advenu, fut abordé par celui, enfin réalisé ce coup-là, de la mer. Cela se passa sans violence, tout d’abord, presque insensiblement. On était à une période de conjonction stellaire, les astres se rapprochaient, courbant un peu leur trajectoire pour se dire des bonjours et, mécaniquement, ou pour marquer le coup, allez savoir, au fil des jours, les effets de marée s’intensifièrent un peu, un peu plus encore, haussant le flux des mers en des lieux où l’on avait abandonné depuis longtemps le métier de pêcheur pour s’adonner à la culture de la vigne et du rutabaga.
Dans son lit de sable, notre petit homme ressentit tout d’abord, comme une humidification de son milieu. Le sable était plus gras, plus suintant, en bouche, il rendait plus de jus, ça remontait, évidemment, par capillarité, du fond du monde. Il arriva même qu’une flaque saumâtre se formât au fond du lit, disparaissant deux ou trois fois par jour au début, puis stagnant en permanence ensuite, puis s’étalant, enfin.
Cette eau qu’il avait imaginée des années durant, dont il s’était inventé le goût, la densité, la fluidité, voilà qu’elle prenait corps à ses pieds, tranquille, fraîche, mousseuse sur les bords, frissonnante, quand il la caressait et surtout, lui présentait, à certaine heure où la lune jouait les réverbères, un reflet de visage humain qu’il n’avait jamais vu.

encre d.m.

Tout d’abord, il crut voir dans ce regard celui d’un ancien, noyé par une nuit de tempête ; ensuite, il se dit que ça devait être le visage même de la terre, ou de la mer, ou d’un qui se cacherait en toute chose, omniprésent ; il discourut à perdre haleine avec l’un puis l’autre puis finit par se rendre compte que le visage parlait en même temps que lui, respectait les mêmes silences. Il chercha à surprendre son antagoniste, n’y parvint pas. Alors, il sut que le visage était son visage, le trouva sans attrait, vulgaire, normal et cela le rassura : il n’était pas monstrueux. Le jeu du miroir perdit alors son intérêt et c’était tant mieux car il pouvait maintenant piétiner la boue de son trou sans craindre de marcher sur la face de quiconque.

Par habitude, il s’enfonçait encore dans les tripes sableuses, y recherchant son odeur de chair au repos, ces effluves subtiles de suavités de cimetière, ces transpirations de cierges mourants, y happait machinalement quelques bouchées d’une boue graisseuse où grouillaient enfin de la bestiole, minuscule, pattue, vibrillonnante, vivante. Il n’y avait jamais rencontré jusque-là que quelques spécimens de vers de terre qui s’étaient aventuré là par une sorte d’erreur de navigation aveugle ou d’autodétermination à la fonction d’aliment pour carnivores. Il en avait mangé, malencontreusement, au cours de ses festins de sable et ça l’avait plutôt écœuré, comme une matière étrangère à l’appréhension humaine, comme si ces êtres étaient porteurs de valeurs malsaines.

L’arrivée de petits êtres nouveaux dans sa flaque et dans l’épaisseur même de sa pataugeoire révolutionna sa vision du monde. Il était impressionné par le nombre de bestiaux différents par la forme, par la couleur, par la diversité des mouvements, des conformations physiques : des bêtes à pattes, des sans pattes, des avec pinces, ou sans, antennes ou non, des qui nageaient, des qui creusaient, des qui avançaient, des qui reculaient, des qui ci, des qui ça… Il y en avait de toutes sortes, ça enrichissait drôlement son encyclopédie imaginaire, mais il était par-dessus tout subjugué par la petit taille des êtres vivants. Lui qui, dans ses rêves et élucubrations, s’était confronté à des monstres gigantesques, des hordes de géants, il crut comprendre que la vie n’était qu’un grouillement d’êtres minuscules, hormis les poules de la basse-cour, relativement imposantes, et les humains, ceux de sa peuplade, en tout cas, qui dominaient tout ça, incontestablement, sans doute, vraisemblablement parce que d’essence différente.
Comme un demi-dieu qu’il était de toute évidence au sein de cette grouillitude, les délires le reprirent de vouloir gouverner les choses, de les soumettre à ses volontés, de leur donner un sens, de leur définir un destin. N’était-il pas, puisque enfin la réalité de la vie se montrait à lui, peut-être même à lui seul, comme le maître désigné d’un monde, du monde ?
Ce furent, adressés à ces inconscients organismes, des discours enflammés, des appels vibrants, des harangues mobilisatrices, des entreprises de séduction de masse, puis, devant leur impassibilité, leur évident mépris pour ses géniales organisations du monde, des mises en demeure, des sommations, des ultimatums terrifiants et, enfin, des répressions farouches, des exterminations massives, la ratatination de tout ce qui vivait dans son bouillon de culture.
Fatigué, écœuré par l’inanité de ce menu fretin, il se résolut au mépris, à l’ignorance pour cette sous vie.
Le niveau de l’eau montait toujours dans son trou, il passa désormais son temps, comme il l’avait fait pour le sable, à en apprécier la consistance, les caractéristiques physiques. Il apprit à y évoluer, tournant autour de son pieu, à y refaire surface, à s’y abandonner. Il en aimait la fraîcheur non râpeuse, la presque transparence, les courants d’eau qui s’y créaient mystérieusement.
Son corps s’y nettoyait, se débarrassait de ses croûtes de sable, y ressentait, pour la première fois, une légèreté insoupçonnée, y devinait, y recherchait des capacités nouvelles de déploiement de ses envergures. Il ne cherchait plus à pénétrer la chair meuble du sol. Si, de temps en temps, ses pieds s’y enfonçaient encore, c’était du domaine de l’inconscient, comme si c’était le sable qui faisait l’effort de l’attirer, qui l’aurait enlacé de tentacules hypnotiques.
Si ce n’était la corde et le pieu, dont il commençait, à mesurer l’omniprésente emprise, il aurait bien reconnu à ce nouveau monde une dimension de liberté. D’autant plus que sa peuplade semblait l’avoir oublié et qu’il n’avait plus à subir les gesticulations et les borborygmes de ces êtres frustres dont il sentait bien qu’ils étaient à mille lieues de partager et de comprendre son univers. Seule, la vieille folle lui jetait de temps à autre des galets en lui souhaitant « bon appétit » et en riant hystériquement de sa bouche édentée.

"Silicium" extraits 1. texte déposé à SACD/SCALA

jeudi, juillet 27, 2006

Je vous avais promis " l'Apocalypse selon Zeugmette", ce sera " Silicium". Parceque comme ça, on saura à qui on a à faire, et parce qu' après tout, c'est le terreau du reste. Alors, pour une fois, un peu d'ordre, un peu de chronologie, mince, on est pas des sauvages (!!!???)
Par bouts, je vous donne ça, lui, le parcours, il a mis des siècles à le ramper et même si y voit l' "unhappy-end" pointer enfin son nez macabre, y'a pas de raison de se priver du bonheur douteux des dernières brûlures. Et de pas prendre le temps de tout bien sentir. Pour être sûr. De pas s'être trompé. D'avoir rien à regretter.

mardi, juillet 18, 2006

mais le temps a vibré...










encre d.m.

Les songes se font silence






Les songes se font silence





Les songes
se font silence
éternels
figés.
La lumière
cristallise
ses rayons immobiles
sur la structure
glacée
de mes os
épinglés.


Des lunes
rivées
aux fers
de mes pensées muettes
se tassent et
se contractent
et leurs regards hagards
me visent et
me transpercent
de dedans à dehors
de « -je suis » à
« -tu es »
de « -je suis » à
« -il est ! ».


Mille épingles forgées
aux feux
d’un iceberg
hérissent l’épiderme
de mes membres raidis
d’où jaillissent
par instants
des étincelles
de
sang.
Leurs poisons
qu’elles me cèdent
dans ce baiser
glacial
se diluent dans mes veines
en autant de cancers
nouant
en liens fatals
mes tripes et
mes regrets.


Ce sont toujours ceux-là
au fond de leurs orbites
comme des billes de glace
comme des poinçons d’airain
figés dans la stupeur
de l’instant suspendu
fixés à tout jamais
au roc de ma mort
ces yeux qui ont aimé
ces yeux qui
t’ont aimée
mais ils n’ont plus de flammes
que celle
d’une lune
qui vacille en silence
et se noie
dans
leur
vide.


Des termites cosmiques
et morpions métalliques
pénètrent dans les chairs
martyrisées de
mon sexe
et l’on entend craquer
sous les pinces sacrilèges
les tissus déchirés
les viscères disséqués.


Ca me brûle partout
au plus profond
du ventre
les bêtes infâmes rampent
de cellule en cellule
jusqu’à me ressurgir
par les pores
de la peau.


Et puis soudain
je sens
des griffes
sur ma poitrine :
deux oursins en acier
de ce bleu métallique
qui grince quand il scintille
enracinent dans mes seins
leurs piques acérées
me fouillent et
me trifouillent cette chair
écarlate
qui hurle sa douleur
son calvaire
par gros bouillons d’écume
dont l’odeur suave écœure même
la
mort.


Il ne leur manquait plus
qu’à me souder
les lèvres
pour que je sois
vaincu
terrassé
muet.









 







Ils eussent aimé me voir
une loque animale
forcée jusqu’aux tréfonds
de ses entrailles
ouvertes…
…mais le temps a vibré
comme une onde
légère
qui dénoue
en riant
tous les nœuds
de vipères…


Et j’ai crié
crié
et j’ai pleuré…









Texte déposé à SACD/SCALA
Illustration de l’auteur







vendredi, juillet 14, 2006

Tout est dans son regard...


















"Macédoine" trouvé à côté de la
balance des légumes dans un
supermarché de Tassin.

Coeur de peluche, va !!!

Je suis resté un tout petit petit petit petit garçon. Tout petit. Je suis resté bloqué émotionnellement dans les premières années de mon existance. Et j'y tiens.
C'est pas confortable, croyez-moi, on souffre à longueur de vie de ce handicap qui vous empêche de vous habituer à l'horreur du quotidien, puisque il est écrit que l'aventure humaine se doit d'être un parcours de sacrifices et de mutilations finalement consenties, les principales étant celles de son identité véritable et de sa dignité.
Alors que je souffre chaque jour de la culpabilité d'être un Humain, mon coeur bat, mon coeur s'émmerveille à la moindre apparition d'un animal dans mon environnement. Ca ne se contrôle pas, c'est à chaque fois un ravissement, ma face d'habitude triste ou sévère s'illumine et le petit Denis refait surface par delà les rides et la tonsure. Un Chat! Un oiseau! Un lézard! Une grenouille! Et toute la beauté, toute la richesse du monde me fulgurent au visage et me font chavirer. Et tout de suite après, je pense douloureusement à la fin annoncée, programmée dirais-je, de tout cela pour cause d'exploitation débridée des sources de la vie. Je fais pas exprès, ça me vient comme ça, par instinct d'enfant. Attardé mais enfant et donc sans concessions et sans illusions. Juste dans la révolte et les larmes d'impuissance.
C'est pareil pour les peluches "perdues". Vous savez, les nounours déchirés, démembrés, borgnes, laissant échapper d'une couture explosée des bribes de mousse, de paille. J'en ai recueillies quelques-unes, que je me trimballe depuis des temps au gré de mes expatriements. Une rouge et blanche en salopette grise, avec plus qu'un oeil et sans truffe me suit partout depuis 1992 quand je l'ai adoptée au cours du nettoiement d'une décharge sauvage à Vidauban. Des tonnes de frigos et carcasses diverses l'avaient engloutie dans un oubli sordide. Peut-être une petite fille, un petit garçon la pleurait , la retrouvait en rêve par les nuits d'engoisse? Si elle avait aboutti là par accident, par négligeance?
Quelles larmes, quels câlins devaient avoir reccueillis la peluche au temps de sa fraîcheur avant de finir, kleenex-doudou, à la nuit du dépotoir!!
C'est aussi ces amours d'antan, ces tendresses évanouies, ces petits mots de coeurs purs qui me
poussent à ces adoptions de vieux gamin gâteux. Comme si je sauvais de l'humanité pure de l'enfance des parcelles d'indiscible.
Dans la pièce dont je parlais l'autre jour, "Col de la Biche", une jeune fille se traîne depuis la prime enfance un ours en peluche, Prosper. C'est tout ce qui lui reste de sa défunte mère. On l'écoute?

Delphine (Tout en touillant le thé trop chaud) Quand t'es minotte, t'as toujours envie de dire les trucs que tu ressens à quelqu'un, tout ce qui te passe dans la tête. T'as toujours envie de partager, de poser des questions: pourquoi ci, pourquoi ça, t'as toujours envie qu'on te réponde, même si les réponses, t'en as rien à faire, que tu les comprends pas. Ce qui compte, c'est que la grande personne elle t'a écoutée et qu'elle t'a répondu, comme si toi aussi t'étais une grande personne comme elle, quelqu'un d'important, la personne la plus importante du monde.
Moi, j'avais personne, personne pour répondre à mes questions, pour les écouter, pour m'écouter. Comme si j'existais pas, en tout cas, comme si j'avais pas d'importance.
Ma mère, elle m'adorait, elle vivait que pour moi, mais elle était presque jamais là, elle travaillait tout le temps. Alors, pour se faire pardonner, elle m'achetait des jouets, des tas. Des poupées, j'en avais de tous les coins du monde, des peluches, des girafes, des rennes, des kangourous, des machins chavais même pas que ça existait.
Elle m'avait mise à la petite école mais j'avais trop peur. Tous ces gamins qui courraient, qui me battaient, tous ces grands qui criaient… Alors, je pleurais, je pleurais, tout le temps. Alors, y z'ont dit qu'on me voulait plus, que j'empêchais les autres de chais pas quoi, alors j'ai été chez une Nounou qui m'aimait pas, elle me collait devant la téloche toute la journée, y fallait pas que je sorte de la pièce de la télé pour pas que je salisse, même qu'un jour elle m'avait battue pace que j'avais écrit sur un mur.
Pis voilà, j' me suis mise à passer mes journées sous une couverture, dans un coin, avec mes nounours et mes poupées. Fallait pas qu' y traînent, alors je les serrais bien contre moi, sous la couverture et je leur parlais pendant tout le temps. Et eux, y me répondaient, chuis sûre qu'y me parlaient, tu peux toujours rigoler, Nadia, et toi aussi, y m'écoutaient et y me regardaient gentiment avec leurs grands yeux, plus que l'autre avec ses sales yeux de sorcière. Puis un jour, des gens sont venus, y z' ont dit que maman reviendrait pas me chercher tout de suite, plus tard, qu'elle viendrait, qu'en attendant on allait me mettre chez d'autres gens, avec d'autres enfants. Alors, j'ai été dans des familles, dans des Centres, j' parlais presque à personne, qu'à mes poupées, mes nounours, enfin, ceux qu'on me laissait pace qu'y paraît que j'en avais trop, que ça encombrait, qu'y fallait que je grandisse, que je les oublie. Tout le temps, on me disait ça.
Quand je parlais aux gens, c'était toujours pour demander quand maman elle viendrait me chercher, que je voulais la voir. Alors, un jour, une femme chez qui j'étais avec d'autres, elle m'a répondu: "Comment, tu sais pas, y te l'ont jamais dit? Elle est morte, ta mère, ça fait longtemps.."

(Delphine s'effondre en sanglots, les deux autres filles se précipitent vers elle pour la consoler, Marina la serre dans ses bras.)

Marina Delphine, Fifine, pleure pas, on est là , Fifine, t'as des copines, maintenant, t'es plus toute seule, tu le sais, hein, tu le sais?

Nadia J'te demande pardon, pour tout à l'heure, chuis conne, des fois…

Vlacic Ne dis pas ça, Nadia. Des fois, on parle sans réfléchir. C'est bien de te rendre compte que tes mots ont pu blesser ta copine. C'est bien!

Delphine (Se reprenant) De toutes mes poupées et mes ours, y m'ont laissé que Prosper. J'ai jamais voulu qu'on me le prenne. Y me reste que lui de ma mère. J' lui dis tout ce que je fais, je l'emmène partout, jamais y pourront nous séparer. Y'a toute ma vie dans ses yeux à lui. Les trucs biens, les conneries, tout ce que j'ai pu faire pour croire que j'existais.
La femme, celle qui m'a appris la mort de ma mère, chais pas si c'est pour me consoler ou quoi, elle m'a dit après: " Y'en a qui disent que les gens qui meurent, y vont sur les étoiles et qu'ils nous attendent; chais pas si c'est vrai, qu'elle m'a dit, mais est-ce qu'on sait jamais tout?"
Vous pouvez pas savoir, cette nuit-là et plein d'autres après, les heures et les heures que j'ai passées avec Prosper à regarder si je la voyais pas, là-haut… Je l'ai jamais vue, je m'endors toujours avant. Et je me fais engueuler que je suis débile de dormir comme ça sur une chaise devant la fenêtre alors que j'ai un lit bien chaud, comme tout le monde…

Marina Peut-être qu'elle sera sur celle qui va passer cette nuit?

Delphine Peut-être. C'est un peu, beaucoup, pour ça que j'ai voulu venir ce soir…

(Extrait de "Col de la Bîche" trouvable sur www.leproscenium.com )

mercredi, juillet 12, 2006

Mes livres que c'est moi qui les fais...


















un bouquin: du carton, du papier, de la ficelle,
trois perles en bois et de la passion !!!

Passage à l'acte

Les éditeurs ont inventé le digicode. Ou du moins ils auraient pu. Si vous avez pas le Sésam, que dalle, bernique, vous passez pas. Même pas y vous regardent, même pas y jettent un oeil sur vos griffouillages. "Si on commence à lire tout c'qu'on nous ammène..." qu'y vous disent, et vous partez, la queue entre les jambes, soit à la poursuite de la quête, soit acheter une corde, soit trouver un pis-aller au fond d'un verre de beaujolpif.
Moi, j'ai toujours pensé que chacun, je dis bien chacun, a le droit de dire. C'est comme ça, parce que l'humain, ça dit et que chaque mot d'un humain, c'est important. Même les mots d'un "paumé", d'un "inculte", d'un traine-savates, c'est du témoignage de vie, de la trace d'émotions et que de quel droit on peut décider de ceux qui peuvent et des autres qui n'ont qu'à se la boucler?
Alors moi, quand je me suis pointé chez les patentés de la parole avec mes poèmes, mes pièces pleines de petits personnages gesticulateurs et qu'y m'ont viré en rigolant que si... alors moi, j'ai décidé que je les emmerdais et que j'allais pas les empêcher de se gratter le nombril en distribuant les OUI et les NON au gré de leur humeur. J'ai pas de temps à perdre. J'ai décidé que mon droit de dire, j'allais le cultiver malgré eux et je me suis sorti la cervelle. Et voilà. Mes bouquins, y existent, je les fais moi, avec mes mains, y sont beaux comme tout et surtout, y sont pas si vides que ça. Vous avez qu'à les lire, vous verrez!
Pour le moment, y'en a neuf, dont deux livres d'artiste entièrement réalisés à la main.
Si vous continuez à farfouiller dans mon jardin, vous découvrirez peu à peu mes petits trésors et vous pourrez même vous les procurer, y suffit de me demander !!!
En attendant, pour vous faire une idée de mon théâtre, vous pouvez trouver mes pièces sur www.leproscenium.com enfin pas tout mais presque.
Par exemple, "Col de la biche" dont vous pouvez admirer la couverture ci-dessus, c'est une pièce pour acteurs ados (et un adulte). C'est quatre jeunes filles qui ont vécu des merdes en famille et qui se retrouvent dans une pension "spécialisée" . Elles ont un éduc amoureux des étoiles et cette nuit-là, y va passer une comète, ça dure qu'une heure et c'est qu'une fois tous les douze mille ans...alors faut pas rater ça!!
Donc, Mr Vlacic emène les jeunes filles en haut du Col de la Biche avec le telescope. Arrivée là-haut, Armandine craque, c'est l'anniversaire de sa maman, elle l'a pas vue depuis des mois, alors, l'étoile... Armandine profite de l'absence momentanée de l'éduc pour quitter le campement et rejoindre sa mère en ville. Les copines acceptent de cacher cette escapade à Mr Vlacic.
Autour d'un thé bien chaud, en attendant l'étoile, on parle de la vie, du monde, des injustices, de la mort. Soudain, un cri dans la montagne: il est arrivé quelque chose à Armandine, il faut avouer la vérité à Mr Vlacic...
Bonne lecture, si ça vous tente !!!

mardi, juillet 11, 2006

on ne grave pas la vie dans le marbre











encre d.m.

On peut encore choisir!

"Pourquoi" est le mot le plus intelligent du monde. Pourquoi pourquoi pourquoi !!! C'est d'ailleurs le mot des enfants qui depuis des éternités emmerdent le monde empastissé des grands en posant des "Pourquoi" à tout bout de champs et qui finissent par recevoir des torgnioles tellement que... Rien que d'entendre ce mot, "Pourquoi", on est fatigué, on a les méninges qui tricotent du synapse et ZOU ! aspirine et touti quanti!!! POURQUOI ?
Alors que tout semble naturel, NORMAL !
Vous naissez, vous atterrissez dans un monde tout ça qu'il est beau, complexe, sophistiqué, vous ouvrez des yeux tout neufs sur les belles faces boursoufflées qui vous entourent et vous font des risettes énamourées et stupides , et avant même que les mots n'aient un quelconque sens pour vous, vous vous demandez: "Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?".
Ca dure un certain temps. le temps, en fait, de se faire une idée de à qui on a à faire, et pis, hélas, on comprend vite les limites de la "Sociabilisation" de l'espèce humaine, on comprend vite que le plus important est de se "mouler" dans leur monde et voilà, vous avez tout rôtis tout "consomables" des hordes de belles jeunes âmes, de beaux jeunes corps qui se livrent "naturellement" à la "Chose Evidente".
Et le monde tourne, normal, évident, chargé de toutes nos tares, de toutes nos incongruités, de toutes nos infamies, de toutes nos bassesses, de toutes nos incapacités, de toutes nos veuleries, de toutes nos bestialités. Et le monde crève de toutes nos habitudes, nos certitudes, notre humanitude. Trouver ce monde, cette civilisation, "Normal", c'est déjà accepter d'être MORT! C'est renoncer à sa propre vie, c'est décider de n'être maître de rien! La civilisation n'est que ce que l'on accepte qu'elle soit!
C'est iconaclaste mais je vous implore de vous poser à chacun de vos actes quotidiens la question toute bête: POURQUOI ?
Et si d'un coup vous trouviez que ce geste machinal n'est pas vôtre, qu'il vous nie, qu'il vous précipite dans le néant de votre VIE IRREMPLASSABLE?
Et si vous découvriez soudain que vous n'êtes que le fantôme de vous-même? Que votre vie vous est volée, que chaque goutte de votre vie est piratée, dérobée?
Et si vous découvriez que la personne UNIQUE que vous êtiez à votre naissance a laissé place à un robot formaté, manipulé, domestiqué? Qu'on a coupé de vous le bouton d'une rose qui ne fleurira jamais?
On vous répète, on vous martelle que ce monde est "LE MONDE". Que cette vie est "LA VIE". Mais c'est la religion de la force d'inertie! Qui peut affirmer que les anciens ont fait les bons choix, qu'ils furent de lucides visionnaires, que les chemins débroussaillés méritent seuls d'être explorés et poursuivis? Et si d'autres voies nous avaient échappé? Et si l'on était passé à côté de la vraie aventure humaine? Une autre civilisation que celle des assassins, des mercantils, des paranos, des esclavagistes, des tortionnaires, des crétiniseurs?
POURQUOI pouquoi pourquoi?
Qu'est-ce que je suis dans ce monde-là?
N'y a t-il pas d'alternative?
That is the question!!!
Peut-on mourrir sans avoir jamais su QUI l'on est VRAIMENT?
Tiens, un p'tit bout de "Comme un goût de cendres..." pour faire le lien poétique.
...................

Comment
un être humain
un sujet numéroté
bocalisé
peut-il s’afficher
comme cela
hors norme
à la vision innocente
du monde ?
Elle n’aura rien senti
c’est inconscient
ça lui aura poussé
malgré elle,
comme moi
ces pensées
ces hordes de mots
qui me germent
sans que je les
puisse retenir
les tuer dans l’œuf,
ça lui sera venu
dans l’ombre
par un défaut, aussi,
d’asepsie
de stérilisation ;
quelque part
dans la prodigieuse et
complexe
organisation
de la machinerie que
nous avons tous voulue
que nous alimentons
tous
du don de notre énergie
un grain de sable se
sera glissé
une poussière maligne
aura échappé
à la vigilance
bienveillante et
impitoyable
de nos Lumières
des Lumières
de nos Très Eclairés
Guides Spirituels,
un déréglage incompréhensible
affecte certainement
la bonne et seule concevable
marche des choses
et nous sommes
elle et moi et d’autres peut-être
victimes innocentes
irresponsables
de cette émergence d’anomalies,
moi avec mes échappées
de mots,
les autres, en bas,
jetés aux bêtes
pour je ne sais quelles
monstruosités
et elle
Elle
qui s’offre
qui s’étale
qui s’exhibe
impudemment
mais innocemment
c’est certain
au regard du monde,
lumineuse
belle, oui,
belle
et légère,
parée
de deux paires
irisées
frissonnantes
ravissantes
d’ailes
de libellule.
Deux paires d’ailes
dont la tiédeur
transparente et
palpitante
se rit de
l’épaisseur
du bocal
et irrite
les X dimensions
de l’univers
de flammèches
multicolores.
......................
Comment pourrait-il en
être autrement
dans ce monde en
perfectionnement intensif
où chaque sujet sait
d’instinct
par programmation raisonnée
une bonne fois pour toutes
et à jamais
qu’en rien
absolument rien
on ne doit
on ne peut
se montrer différent
que rien d’intime
de personnel
ne doit jamais
sortir du corps et
du bocal
sauf l’énergie
qu’on donne pour
que tourne bien le monde.

"Comme un gôut de cendres au réveil" extraits
texte déposé à SACD/SCALA

lundi, juillet 10, 2006

Big Bang au nez rouge











encre d.m.

il ne sera pas dit...



Présentation "poétique" du livret sur le stand de l'auteur au Marché de la Création à lyon (2006-2011)






IL NE SERA PAS DIT




Il ne sera pas dit
que je n’aurai pas écrit
que ce soit
de rien
ou du reste
le sang
me bouillonne
à l’idée des mots
couchés
et ton image
sans cesse
présente
depuis des jours
me presse
en ce long soir
sans but
dans les retranchements
de mes résistances
intimes
avant que de sombrer
dans mes lourds
sommeils
d’homme
perdu.

Il ne sera pas dit
que je n’aurai pas
écrit
et pourtant,
lourds
comme autant
de gluantes
gouttes
de mélasse
les mots
-que dis-je-
les idées
les sensations
d’engourdissement
lascif
me scellent au seuil de
l’inconscience.

C’est
tellement
difficile
de dire

C’est
tellement
difficile
de dire

C’est
tellement
difficile…

Et pourtant
Hé hé !
Et pourtant !

Il ne
faudrait pas
grand-chose
comme ce grain de
sel
comme cette pincée
de levain matinal
comme ce hold-up
d’une caresse
esquissée
sur le velours
léger
de tes cheveux
distillés
pour évanouir
comme un cauchemar
sublimé
l’absence
des jours
vécus
et des nuits
irréalisées.

Et pourtant
dans le vibrillonnement
glacial
des cristaux
nocturnes
l’imaginaire
vagabond
n’oserait-il prétendre
à de volcaniques
rencontres,
à d’incommensurables
excès ?


Et si
demain
existait
et Nous
avec ?

Et si
Tu
existais
et Moi
avec ?

Et si
J’existais
Et Toi
avec ?

Tout est
tellement
mystérieux
tout est
tellement
surréaliste
que l’ombre même
de l’ombre
étend son voile
tiède
sur l’intime
conviction du
néant .

To be
or not to be,

n’est plus
la question
puisque tes yeux
sont bleus
et les miens
éperdus.

Tout étant toujours
à refaire
tu me pardonneras
ces mots
qui croient remuer
dans les eaux
mortes
de mes regrets
des vagues
semblables
aux vagues,
distiller
des rêves
pareils
à des vies
oubliées.

Il se trouvera toujours
-Fut-ce hasard
ou entourloupe-
quelque vent du large
aux senteurs
exhaussées
pour éveiller
à saccades
soutenues
le cil d’un songe
éteint
aux côtes
d’une mer
brune.

Il est des
vents
d’automne
à foutre
les pieds en l’air
au chêne enraciné
au roc
de la mort ;
il est des
vents
d’automne
acides
exaspérants
à faire rosir
les joues
des marbres de
Camille.

Il se trouvera toujours
au sein
du creuset
alchimique
quelque atome
d’or
miraculeux
qu’une main de Père-Noël
hilare
saupoudre à
l’emporte-espoirs,
à
l’emporte-rêves

Et le temps
et le temps
souffle
si fort ici
que je crains
chaque instant
la tempête
dernière,
celle-là même
qui froisse,
comme on ferait
d’un rien,
la tôle d’un navire
en Mer
de la Fécondité.

Et le temps,
et le temps
souffle
si dur ici
que des blocs de mots
s’échappent et
se fracassent
sur le granit
de l’Arche
de l’attente
éternelle et
désespérée.

Dans les miettes
de possible
et gravats
d’utopie,
dans les rejets d’éclats
de rires,
dans le duvet
détrempé
des anges
à plumes caduques,
je trouverai pourtant
la trace
estompée mais vive
de l’ancien et
du nouveau monde
sans dieux ni maîtres,
l’empreinte vomie
exécrée et
iconoclaste
de la Liberté,
celle-là même
qu’on se sirote,
assis
beaux
main dans la main,
au zinc secret mais
surpeuplé
de chez
la « Jeanne »
du copain d’abord.

Dans l’infusion
de nos regards
nous diluerons du
temps
en poudre,
à satiété et
jusqu’à plus soif,
que nous inondent et
nous animent
les sources
fraîches
de
la
vie.





Texte déposé à SACD/SCALA
Illustration de l’auteur