dimanche, mai 06, 2007

de la "Normalité" de notre civilisation Economico-Commerciale (à suivre...)

Ce n’est pas la meute des loups affamés rodant au gel de la nuit qui empêchent Prud’Homme de dormir au chaud de sa couette, ce sont les hurlements des chiens qui savent les yeux rouges cherchant la faille de la palissade fragile. Et Prud’Homme fait taire le chien. On ne brise pas ainsi des rêves capiteux.
Il en est de même du poète qui montre que le chemin résonnant du pas lourd du troupeau n’est pas celui des bonheurs espérés. Qu’il se taise ! Avançant droit, creusant son sillon sous la charge des mouches harcelantes et respirant l’air saturé des poussières d’os de vies oubliées, la masse n’a cure des mots de l’homme au cou de girouette, elle suit imperturbable le destin de sa race. Droit devant, toujours, pas après pas, sans chercher à savoir le bien-fondé de la marche séculaire. Avançons, avançons, puisqu’il est évident qu’en ce mouvement réside l’essence même de notre existence, de notre raison d’être. La preuve n’en est-elle pas dans le fait que l’individu qui s’immobilise se voit immédiatement bousculé et écrabouillé par l’avancée immaîtrisable du fleuve ?

Quand un poète, un philosophe, un « ravi » du village, croit pouvoir dire qu’il pense que ce qu’on appelle « Normalité » de la marche du monde n’est en fait que le résultat de choix empiriques antérieurs, que la conséquence d’orientations et de manipulations au profit d’intérêts privés, que l’état social optimum permettant à une caste de s’approprier l’usage de l’énergie collective et les fruits de ce travail, quand ce poète- philosophe- ravi du village suggère que soit posée la question de ce qu’on imagine qu’est le « destin » d’un individu, sa Liberté, son Droit de choisir sa « Vie », que soit débattue celle de savoir à qui appartient chacun, qui a des droits sur le temps, la liberté, les actions, la conscience de chacun de nous, si l’espèce humaine n’a d’autre choix d’organisation que dans le fait économique, que dans l’exploitation des individus en vue de produire de la masse monétaire, si elle a le droit de mettre en coupe réglée et en danger de disparition le reste du tissu du vivant pour assouvir ces seules préoccupations économiques, ce poète, ce philosophe, ce ravi du village se voit renvoyé dans les cordes du ring de la liberté d’expression. Non pas que ses questionnement soient idiots, sans fondements, insultants, hors de l’intelligence collective mais parce que répondre à ces questions revient pour celui qui oserait se les poser à se regarder en face, à analyser sa propre existence et à accepter de reconnaître en elle une somme de renonciations, d’abandons, d’étouffements, d’amputations. Même pour qui croit sa vie « Réussie » !
Qui peut accepter de reconnaître de bon cœur qu’il a renoncé à ses passions, à ses attachements, à ses utopies, à ses valeurs, à la fraîcheur de sa conscience, à son propre « temps de vie », à la maîtrise de ses actions et de sa créativité, à ses pulsions naturelles ?
Qui peut accepter de reconnaître de bon cœur qu’il n’a de maîtrise sur rien de ce qui compose pourtant son quotidien : ni sur l’éducation de ses enfants et le temps qu’il leur consacre, ni sur son activité de chaque instant, ni sur son rapport à la nature (y compris la sienne), ni sur son langage, ni sur ses rapports humains, ni sur ses intuitions philosophiques, ni sur la marche de la société, ni sur sa santé, ni sur le sens de sa vie, ni ni ni ???
Qui peut accepter de reconnaître de bon cœur que depuis le berceau, on lui a volé, téléguidé sa vie ? Qu’il a marché à côté de ses propres pas possibles ? Qu’il n’a jamais été qu’une brindille au cours du torrent ? Que par usure, peut-être, par fatigue, par isolement, par inconscience, il a accepté la mutilation, la castration sur l’autel de la « Normalité » de l’histoire humaine ?
Qui peut accepter de reconnaître qu’il s’est fait avoir, dépouiller de sa propre « existence » ?
Qu’il a participé par la force d’inertie des choses à un jeu dont il aurait eut honte d’écrire lui-même les règles?
Alors, bien sûr, monsieur le poète, le philosophe, le « ravi » du village, si vous avez que des réflexions comme ça à nous proposer…

Pourtant, ce regard nouveau sur sa propre vie, cette prise de conscience de l’emprise écrasante de la société sur le destin des individus, cette révélation qu’il est d’autres chemins possibles à l’aventure humaine, du moins, à partir de ce jour, pour ceux qui vont arriver innocents des errements de leurs aïeux, cela pourrait provoquer un sursaut pour l’établissement d’une société nouvelle, de respect, de liberté, de solidarité. Une société d’humains non- marionettisés, responsables, entiers !

Une humanité où la masse mouvante et aveugle n’écraserait plus les « retardataires ».

Rêve de poète, de philosophe, de « ravi » du village.

Mais peut-être vaudrait-il mieux lapider sans attendre, et profitant de « l’air du temps » propice au « Libéral- Selectivisme », l’iconoclaste de la croyance en la « Normalité » de la Civilisation Economico- Commerciale ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

...clin d'oeil...

Anonyme a dit…

Sage est celui qui recule méticuleusement dans ses propres empreintes de pas pour ne pas tourner le dos à ce qui vient. De temps en temps il doit se retourner sans avertir pour vérifier le passé. Mais le mouvement agile et déterminé du poète est aussi celui du sage en habits de long voyage.
Bises mon Denis. On est toujours là tu sais. A un de ces Dimanches...

Anonyme a dit…

Une certitude, hombre, c' est que les ailes des libellules repoussent toujours ;-)

Anonyme a dit…

Salut, Anonyme, merci pour ton clin d'oeil...

Salut, Marie-Thérèse, avec plaisir, un de ces dimanches, sous les platanes du bord de Saône. Dans une de ces immobilités qui permettent d'avancer les yeux ouverts!

Je te fais confiance, Kaïkan, et à tes ailes...

Anonyme a dit…

qui? surtout pas ceux qui ont réussi! car c'est dans ce système qu'ils l'ont fait, et ils en sont fiers.
je suis pas partante pour la lapidation ;-)

Anonyme a dit…

Je sais bien, Camille que t'es pas partante pour la lapidation. Je parle pour ceux qui tuent le porteur de mauvaises nouvelles, le prophète de malheur, le chien qui hurle dans la nuit noire après les loups invisibles, la grenouille qui grimpe à son échelle pour nous dire la tempête prochaine... On aime tellement peu être dérangé dans une impression de bien-être, ou, du moins, de moindre mal-être...
Bises, Camille.