samedi, août 19, 2006

Trois p'tits coquelicots 2

dessin d.m.




Scène 2

(Gildas disparaît côté cour dans sa chambre. Bûchette balance sa couverture dans un coin de la pièce et se rassoit. Elle se verse les dernières gouttes de la bouteille et boit. Elle se saisit de la pomme et commence à la croquer. Nouvelle apparition de la voiture et des aboiements. Ca s’estompe. Bûchette se lève et se dirige vers l’autel. Elle reprend le portrait et le regarde. Elle renifle les fleurs, cherche et trouve un interrupteur qui fait s’éteindre et s’allumer plusieurs fois la bougie électrique. Elle s’accroupit devant le meuble, essaie d’ouvrir la petite porte, sans succès. Elle se relève, se dirige côté cour vers la chambre de Gildas, mesure de l’oreille l’état de sommeil de l’homme. Elle revient rassurée, sort de sa poche l’ustensile qui lui a permis de pénétrer dans l’appartement et l’introduit dans la serrure du meuble. Au bout d’un moment, elle parvient à l’ouvrir. Elle remet la fausse clé dans sa poche. Elle sort du meuble une robe de mariée, une poupée de porcelaine et un coffret. Elle ouvre le coffret et en sort une liasse de lettres entourée d’un ruban. Elle dénoue le ruban, ouvre le premier pli. Elle se met à lire la lettre.)



Bûchette ... Vendredi 13 Mars… Ma chère Maman. Cela fait cinq jours que nous sommes à Venise. Le printemps tarde à se montrer et c’est peut-être à cause de ça que tu trouveras cette lettre empreinte d’une certaine mélancolie. Pourtant, avec Gildas, tout va bien. Nous passons nos journées dehors à visiter la ville en tous sens. Quand il pleut, on prend un cappuccino à la terrasse d’un café mais ça ne dure jamais très longtemps. Les deux premiers jours, nous avons pris les fameuses gondoles. J’appréciais beaucoup cette espèce de déplacement éthéré, au rythme des chansons des gondoliers mais Gildas s’est trouvé mal à l’aise, peut-être inaccessible à ce charme, et la suite de notre visite se fait à pieds. Malgré un peu de fatigue, je trouve l’endroit envoûtant et j’y passerais bien volontiers quelques semaines. Sur la place Saint Marc, couverte d’un tapis de pigeons, je me suis sentie redevenir petite fille et, comme au square où nous allions le dimanche- t’en souviens-tu ? – je me suis mise à courir dans leur foule, les faisant s’envoler en nuées moutonnantes. Je crois même que j’ai crié…Cela n’a pas semblé amuser Gildas qui m’a invitée à plus de sagesse. Comme c’est sérieux , un fonctionnaire des Finances ! Enfin, nous passons quand même des moments que je n’oublierai jamais. Je regrette un peu que nous n’ayons rencontré personne pour échanger nos impressions. Enfin, nous sommes un tout jeune couple et il est normal, je suppose, de se concentrer sur notre intimité. On aura bien le temps de se faire des amis quand nous serons rentrés. Je t’embrasse très fort, ma chère Maman. Je t’aime. ... Marie- Hélène.
dessin d.m.


(Bûchette ouvre la deuxième lette de la pile.)

Bûchette... Lundi 9 Janvier… Maman, ma Maman. Je profite d’être enfin un peu seule pour te serrer sur mon cœur. Tu me manques tant. Je rêve souvent que tu es assise à côté de moi et que j’abandonne ma tête sur ton épaule si douce. Gildas est toujours très occupé. Comme il veut monter en grade, il passe son temps libre, et le mien, à potasser des tonnes de documents pleins de courbes, de schémas et de tableaux qu’il a du mal à assimiler. Comme je me suis ennuyée, ce week-end ! Normalement, nous devions recevoir Robert, un collègue de Gildas, et sa femme Henriette. Je les aime bien. Ils sont pleins de vie. Henriette n’arrête pas de rire et de raconter des histoires parfois un peu lestes, il faut bien le dire, mais avec tellement de naïveté et de bonheur ! Robert, lui, aime danser sur les musiques à la mode. Il y a quelques mois de ça, il m’a invitée pour un Rock ! J’ai cru être dans le grand huit ! Je ne savais plus où étaient le sol et le plafond ! Gildas, qui n’aime pas danser, m’a demandé ce soir- là de me rappeler que je n’avais plus quinze ans et qu’il n’avait pas trop envie de voir sa femme se donner en spectacle. C’est vrai que je n’ai peut-être plus l’age…De toutes façons, Dimanche, Gildas avait beaucoup de cours à réviser et il a décommandé nos amis. Nous nous sommes donc retrouvés seuls. J’en ai profité, si je puis dire, pour terminer ton écharpe . Tu la recevras très prochainement par la poste. J’aurais tant aimé te l’apporter moi-même, mais il n’en est pas question pour le moment. J’espère qu’elle te plaira. J’y ai mis tout mon cœur. Je t’aime. Embrasse ma chère sœur Amandine pour moi. Mille bisous.

(Bûchette range les lettres dans le coffret, le coffret ainsi que les autres objets dans le petit meuble et crochète la serrure pour la refermer. Bûchette étend la couverture par terre, enlève ses chaussures, s’étend sur la couverture. Au bout de quelques secondes, elle se relève, dépose un baiser sur le portrait de femme.)






dessin d.m.




Bûchette ... Bonne nuit, p’tite sœur. Au dodo, j’suis rétamée.

(Elle se recouche. Le moteur de voiture se fait réentendre, les aboiements de chiens aussi.)

Bûchette... Ils sont pas du genre qui colle, ceux-là non plus !

(Le calme revient. NOIR.)

"Trois p'tits coquelicots" extrait 2 Texte déposé à SACD/SCALA.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je lis scène après scène ta pièce et me laisse prendre au jeu...
P' tite soeur, soeur de sang, soeur de lait soeur réelle, soeur par le destin d' ennui?
Je continue...
Il commence à pleuvoir, je rentre le linge de la tribu, fantasmant quelques instants sur la suite...