dimanche, août 20, 2006

Trois p'tits coquelicots 3

dessin d.m.



Scène 3


(Dans le salon, c’est le matin. Lumière du jour. Il n’y a personne. Un disque de Piaf en musique de fond et, venant du dégagement salle de bain, côté jardin, la voix de Bûchette qui braille « Mon Légionnaire ». Du côté cour apparaît Gildas, en peignoir, qui vient de se lever. A moitié endormi, il se prend les pieds dans la couverture qui traîne par terre.)


Gildas... Elle peut pas ranger son bordel, celle-là ! Hé ! Vous avez bientôt fini sous la douche ? N’oubliez pas que le cumulus ne contient que cent litres. J’aimerais bien avoir de l’eau chaude, moi aussi. Et puis, c’est quoi, ces hurlements ? Vous n’avez plus peur qu’on vous entende ?

Bûchette... C’est bon, j’ai fini. Ferme les yeux pépère, ou tu vas te griller les rétines à mes radiations.

Gildas... Prétentieuse, va.

Bûchette ... (Apparaît en peignoir, une serviette entourée autour des cheveux.) Alors, déjà à ronchonner ? L’est tout grognon le bichou à sa mémère ? Allez, assis-toi, va, je vais t’amener ton café. Il doit en rester un fond.

Gildas ... Mademoiselle est trop bonne.

Bûchette... Ca, on me l’a souvent dit, professionnellement parlant…

Gildas... Bon, on va le savoir.

Bûchette... Au fait, j’ai l’impression que les loups sont repartis de Paris, comme dit la chanson. Les cleps de la sorcière ont rien moufté de la nuit. Encore deux ou trois jours à m’avoir dans les pattes, par précaution, et je t’abandonne à cette si pesante solitude dont se nourrit ton ennui, ton incommensurable ennui…J’ai l’âme poétique, ce matin, tu trouves pas ? Dis, Gilou, j’espère que tu vas pas jouer les carpes comme toute la journée d’hier. J’en ai marre de faire la conversation à moi toute seule. J’te demande pas un discours fleuve à la Fidel Casburnes, mais un peu d’écho à mon aimable pioupioutage, ça me réchaufferait les plumes du cœur. D’accord, mon Doudou ?

Gildas... Si ça doit m’éviter vos incessantes récriminations…De toutes façons, il faut qu’on se mette bien d’accord sur quelques points.

Bûchette... Je sens déjà que ça va partir en vrille. Enfin, vas-y, ce sera quand même mieux que « le Monde du Silence » façon bocal à poisson rouge…

Gildas... Je peux ?

Bûchette... Je suis toute ouie, en parlant de poisson rouge. Ho ! Pardon…

Gildas... Bon. Premièrement, je veux de l’eau chaude pour ma douche.

Bûchette... Celle du soir aussi ?

Gildas... Celle du soir aussi.

Bûchette... Bon, d’accord. J’me laverai plus que le bout du nez. Et la foufoune aussi, sinon j’ai des champignons…

Gildas... Je vous en prie ! Ensuite, nous sommes vendredi matin. On dit que, quoiqu’il arrive, vous partirez au plus tard dimanche soir. Lundi, je pars pour quelques jours et il n’est pas question…

Bûchette... (Chantant) Ne me quitte pas…Ne me quitte pas…Tu sais t’y où qu’on en sera, dimanche soir ? P’têt que tu m’auras déjà demandée en mariage !

Gildas... Pas d’utopie, s’il vous plaît. Gardons les pieds sur terre. Tertio : en une journée, une seule journée, vous avez épuisé mes réserves. Il n’y a plus un biscuit, plus une tablette de chocolat…

Bûchette... Là, j’suis d’accord avec toi. Faut lancer d’urgence un plan MARSHALL. Rien que de savoir qu’on risque de danser devant le buffet, j’ai les chicots qui se lyophilisent !

Gildas... Et alors, suis-je autorisé…

Bûchette... Dou dou dou dou dou ! On va dire la messe comme il faut. T’as un cabas ?

Gildas... Un Caddy, à roulettes…

Bûchette... La ménagère à roulettes ! La photo, la photo ! Bon, écoute ta Bichounette adorée, qu’y ait pas de grain de sable dans la burette à huile. On va dire les choses comme ça : on dresse une liste des courses. Jusque là, c’est mignounet, O.K. ?

Gildas... Pour la liste, je sais ce qu’il faut. Après ?

Bûchette... Ensuite, tu te saisis du garde-manger des familles et tu sors dans la rue. Moi, je tire le rideau, clic clac, personne y passe.

Gildas... Mes clés… ?

Bûchette... Tes clés, ton pognon, tes papyrus, je gère. Jusqu’à dimanche soir. Donc, t’es dehors. Y t’arrivera rien, en plein jour y z’ont les griffes dans la marmelade…Si jamais y sont encore sur le Tarmack…Enfin, tu zyeutes, l’air de rien, tu zyeutes ! Un qui te regarderait de travers, un qui se pointerait à tous tes carrefours, un qui voudrait t’interviewer pour « JEUNE & JOLIE », tu notes, t’es poli, tu passes ton chemin. Tu remplis le carrosse de plein de bonnes choses, oublie pas mes clopes…Ah non !…Pas de clopes ! Tu fumes pas, ça paraîtrait zarbi. Bon, pas de clopes, tant pis…Et tu retournes au bercail. O.K ?

Gildas... Je… je vais faire mon tour au P.M.U., comme d’habitude ?

Bûchette... Le flambeur ! Il a son truc ! C’est pas qu’une machine ! C’est’y pas chou ? Ca encourage la race chevaline ! Tu sais que tu as l’air presque vivant, toi ? (Sortant une liasse de billets de sa poitrine et tendant deux billets à Gildas.) Tiens, un peu d’avoine sur le fauve de ton choix, j’te fais confiance…

Gildas... Cet argent…D’où sortez-vous tout cet argent ?

Bûchette... Tu crois pas qu’j’me suis barrée qu’avec les couilles de l’ours en peluche, non ? J’suis une femme, malgré tout, on a ses p’tits besoins.

Gildas... Je commence à comprendre l’attachement de ces messieurs…

Bûchette... Sois pas mufle, blaireau ! Ils me coursent peut-être pour mes beaux yeux…Bon, allez, dépêche-toi de te faire belle, y me tarde que tu me racontes le temps qu’y fait dehors.

(Gildas se dirige vers la salle de bain et revient presque tout de suite.)

Gildas... Elle sera vite prise, la douche ! Il n’y a plus une goutte d’eau chaude .

Bûchette... Y doit y avoir des fuites ! Pleure pas, tu la prendras en rentrant, ça aura eu le temps de mijoter. Allez, grouille !

Gildas... Mais c’est un monde tout de même ! Minute, oui ?

(Il disparaît dans la chambre.)






dessin d.m.



Bûchette ... (Prend le portrait sur l’autel.) Patience, ma biche, dans quelques minutes on sera seules. J’suis désolée pour hier, y m’a pas lâché la grappe, comme si j’étais une voleuse de poules. Attention, le v’là !

(Elle repose le cadre à sa place. Gildas réapparaît, veston triste, casquette plate, écharpe.)

Gildas... Bon, et bien, je suis prêt…

Bûchette... (Se reculant pour le contempler.) FUUIIIIIII !!!!!!

Gildas... Des commentaires à faire ?

Bûchette... J’ai rien dit, j’ai rien dit… Et bien, à tout de suite, hein !

Gildas... Serait-ce un effet de votre bonté de me donner de quoi faire les courses ?

Bûchette ... Oh ! Bien oui, que je suis bête. Tiens, deux images saintes, ça ira ? Bon, je t’ouvre.

Gildas... Ca ira, ça ira ! C’est quand même un peu fort !

(Ils disparaissent côté jardin, Bûchette s’étant armée de son pistolet. On entend s’ouvrir et se refermer la porte à clé. Bûchette revient, dépose son arme sur la table basse et se dirige vers l’autel, force à nouveau la petite porte et ressort le coffret dont elle extrait les lettres.)

"Trois p'tits coquelicots" extrait 3 Texte déposé à SACD/SCALA

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Heureusement qu' il joue aux courses!
Va savoir!